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Parentalité et éducation aux médias

Aborder la question de l’éducation aux écrans avec les parents commence d’abord par le traitement du rapport des parents aux écrans eux-mêmes.

Les demandes d’accompagnement des parents sur la place des écrans dans la famille et leur rôle, est croissante dans le réseau Ceméa. Cet accompagnement prend une place maintenant incontournable dans nos démarches globales d’éducation aux médias, en complémentarité de nos actions dans les établissements scolaires.

Ce travail en direction des parents s’est amplifié avec l’action "Bien surfer, ça s’apprend", un dispositif de prévention aux usages d’internet du Conseil général de l’Oise, animé depuis trois ans par les Ceméa de Picardie et à l’échelle du département. Elle concerne tous les collégiens sur le temps scolaire, et les parents sous forme de rencontres-débats après l’école.

La mise en œuvre des rencontres avec les parents est prise en charge par l’établissement. Les principaux des collèges mobilisent les parents et sont présents lors des animations.

Impliquer les parents

Comment échanger avec un groupe de parents quand une partie de ceux-ci n’ont qu’une idée très vague et nourrie par les reportages alarmistes de la télé sur les dérives des réseaux sociaux, de ce que leurs enfants font sur internet, et que l’autre partie, plus active sur les écrans que leurs propres enfants, est persuadée de tout maîtriser. Rappelons que nous intervenons également auprès des collégiens avec qui nous échangeons sur la place des écrans à la maison et nous constatons une évolution en trois ans. Des parents qui se disent dépassés par les évolutions rapides d’internet, aux parents aujourd’hui plus "accros" que leurs propres enfants aux réseaux sociaux, aux jeux vidéo et au téléphone portable.

À la question posée à une enfant de CP lors d’une animation Ceméa pour France-Télévisions : "Quand regardes-tu la télévision ?" Elle répond : "Maman me met à la télé quand elle veut être tranquille avec son ordinateur." À la question posée à un jeune lors d’un atelier internet pour les familles, animé par les Ceméa et une maison de la solidarité de l’Oise : "Depuis quand as-tu un compte Facebook ?" Il répond : "Depuis l’âge de huit ans, je le fais avec mon père."

Le contenu de nos interventions a plusieurs fois été modifié, pour oublier rapidement les termes techniques, la référence aux "marques" (Facebook, Youtube) et un type d’usage particulier des jeunes cité par les parents, représentant une angoisse liée à une actualité dans les médias et cachant bien souvent un cas plus complexe dans les relations familiales.

L’explication technique rappelle durement pour certains parents leur méconnaissance des pratiques de leurs jeunes et conforte leur idée qu’ils ne peuvent rien faire, puisque incompétents techniquement. Pour les autres parents, les plus à l’aise avec le clavier, questionner leur rôle éducatif ne semble pas utile puisqu’ils ont tout "verrouillé" : contrôle parental, déconnexion automatique...

Le fil conducteur de notre approche enfants/écrans/parents devient plus global et s’est stabilisé avec la contribution des parents eux-mêmes.

Ouvrir le débat

La rencontre s’ouvre par la projection d’un film qui décrit l’ensemble des pratiques et des outils numériques, commentée par des jeunes. L’idée est de poser les bases d’un débat en s’appuyant sur des exemples concrets, où chaque parent peut s’identifier ou identifier les pratiques de leurs enfants, découvrir des situations de dialogue entre jeunes et adultes.

Que font nos enfants sur Internet ? Comment les accompagner ?

Tout d’abord, la présentation du déroulement de notre rencontre en trois thèmes, l’enfant-lecteur, l’enfant-rédacteur et l’enfant-joueur. L’objectif est de classer les usages numériques des jeunes suivant leurs propres intérêts et par types de risques. Il est important de démontrer qu’avant même de parler de risque, les usages ne correspondent pas à la représentation qu’en font les adultes. Écouter la radio, regarder des films, jouer, communiquer, animer son réseau social, se documenter... convergent sur internet, souvent en parallèle et en continu, du lever au coucher, passant d’un écran fixe à un écran nomade, et en connexion permanente. Pour ce qui est des risques, ils ne sont pas tous de même nature et demandent une intervention des adultes (des parents) adaptée à une réalité, un risque bien identifié qui n’est pas qu’une projection de leurs propres peurs.

L’enfant-lecteur

Cette première partie soulève les questions du rapport des jeunes aux contenus d’internet. Le simple fait d’être "connecté", permet-il aux jeunes de surfer en toute sécurité ? Les conseils donnés sont : paramétrer les logiciels de contrôle parentaux, prendre en compte les pictogrammes de prévention des jeux vidéo, éviter l’ordinateur dans la chambre, enregistrer dans le navigateur les sites les plus usuels validés avec les parents pour les plus jeunes, accompagner les jeunes dans leurs recherches et activer les filtres des moteurs de recherche...

Cela pose la question du temps consacré aux écrans, des conditions d’utilisation posées (ou non) par les parents, des équipements (les divers écrans) et de leur disposition dans la maison qui permet ou pas un regard des adultes. Plus largement, nous découvrons le peu de diversité des sites consultés par les jeunes. Quatre ou cinq sites pour regarder des films ou des clips, échanger dans un réseau social (Facebook qui rassemble un maximum de fonctionnalités pour diffuser ses images, chatter, jouer, commenter), télécharger de la musique, jouer en ligne, effectuer des recherches scolaires. À l’exception de Wikipédia, tous ces sites sont commerciaux, ils ne visent pas à une ouverture culturelle et systématisent la récupération des données personnelles (téléphone portable, inscriptions en tout genre) pour une exploitation commerciale.

Le lien avec l’information et l’actualité se fera le plus souvent dans la page d’accueil du service mail, Yahoo, Orange... où le choix éditorial est souvent l’univers people mis en avant par les photographies. Ce qui permet d’aborder avec les parents le sujet suivant à savoir quelles interprétations les jeunes ont du monde qui les entoure, à la simple lecture de leurs sites usuels ? Une réalité de pratiques, cinq à six heures par jour, tous écrans confondus, en tournant en boucle sur les mêmes sites, pour des jeunes qui sont, paradoxalement, en grande difficulté à faire une simple recherche par mots clés sur internet qui soit pertinente. Pour les parents, la maîtrise d’un moteur de recherche, les amène à devenir "utiles" sur internet au regard de leurs enfants.

L’enfant-rédacteur

Ce thème à toute son importance puisqu’il concerne les pratiques des jeunes dans les réseaux sociaux, activité dominante chez les collégiens. Elle consiste à mettre en ligne des contenus de texte, photos, vidéo (que l’on en soit l’auteur ou non), à "converser" en direct avec les connectés, et à commenter les articles des autres. Dit autrement, c’est raconter sa vie, voir et commenter celle des autres.

Le sujet est abordé avec les parents sur la même base d’intervention qu’auprès des élèves. Est discutée : la responsabilité du "rédacteur" mineur qui engage celle de ses parents puisque l’âge minimum d’inscription sur Facebook est de treize ans. Les conseils donnés sont de ne pas diffuser d’information sur son identité personnelle (adresse, téléphone), créer ou prolonger les messages à caractère diffamatoire (très courant), ne pas diffuser d’image provocante de soi ou des autres, vérifier régulièrement les paramètres de son Facebook, vérifier les traces que l’on laisse sur internet en utilisant les moteurs de recherche – les informations personnelles liées à la vie privée, nom, nom du collège, ses activités de loisirs, sa famille. Cela pose d’autres questions qui participent au débat, chaque enfant peut être victime de harcèlement mais peut également être potentiellement impliqué dans des "jeux de moquerie", de mise à l’écart d’élèves, de provocation envers les enseignants "pas vu, pas pris". À la demande récurrente des parents, "comment puis-je contrôler ce qu’écrit mon fils ou ma fille sur Facebook ? ou comment "espionner" mon enfant ?" La réponse commence par une connaissance commune des points importants des conditions d’utilisation qui décrivent la responsabilité des utilisateurs mineurs, donc celle des parents.

Autre point, tester ce qui est visible du réseau social par n’importe quel internaute. C’est une activité à expérimenter, parents et jeunes ensemble, et sans entrer dans l’intimité de leurs réseaux. Ici encore, utiliser toutes les facettes d’un moteur de recherche, permet aux parents de tester si la vie privée et familiale est respectée au regard du tout public.

L’enfant cyber-harceleur n’est pas envisagé par les parents, éventuellement comme victime. Quand nous parlons de la définition ; "le fait d’utiliser les technologies de communication, les téléphones portables, messageries instantanées, forums, chats, jeux, courriers électroniques, réseaux sociaux, pour humilier ou intimider une personne de manière répétée dans le temps", cela évoque des conversations des jeunes, des situations de conflit au collège entre élèves. Et si ces conflits se prolongeaient sur internet ?

"9% des élèves déclarent avoir subi un surnom méchant, une humiliation ou une insulte via SMS ou Internet". "Un jeune sur quatre dit avoir été victime de photos compromettantes sur internet". À la question posée systématiquement aux collégiens lors de nos animations : "Qui est inscrit sur un réseau social ?", quasiment aucune réponse. "Qui a un compte Facebook ?", toutes les mains se lèvent". "Qui a demandé l’autorisation de ses parents ? ils répondent : "On ne demande pas aux parents mais ils sont au courant..." "Au courant de quoi ?" Pas de réponse.

En cas de soucis sur les réseaux sociaux, les jeunes n’envisagent pas de se confier aux parents pour garder l’accès privé sur leur Facebook et pour ne pas prendre le risque d’être privé d’internet. À la question posée à ces mêmes collégiens : "Qui a un téléphone portable ?", toutes les mains se lèvent joyeusement. "Puisque nous sommes en classe, pouvez-vous l’éteindre ?" Stupeur : "Monsieur, d’habitude en classe, on le laisse en veille !", "Pour quoi faire ?" "Au cas où ...", "Au cas où quoi ?", pas de réponse.

L’enfant-joueur

Le jeu est une activité de loisirs dominante sur internet. Elle questionne le choix des jeux, déjà abordé dans "l’enfant-lecteur", adapté ou non à l’âge. Dans ce thème, est mis en évidence le fait que tous les jeux ne sont pas synonymes de risques. Nous nous attardons sur les jeux en ligne multijoueurs qui par nature n’ont pas de fin, ils sont construits sur des modalités économiques diversifiées, multijoueurs en ligne mais seul devant son écran.

Le temps consacré aux écrans et aux jeux est un sujet dominant pour cette partie, les jeux en ligne déconnectent les jeunes du rapport au temps de la famille, du repos, de la socialisation en général. Il faudrait s’attarder aussi sur les valeurs véhiculées par les jeux mais c’est l’aspect économique que découvrent les parents. Les jeux gratuits qui n’en sont pas. Dans chaque séance, les parents témoignent des mauvaises surprises de dépassements des forfaits téléphoniques ou d’internet, en lien avec un jeu vidéo, des dépenses découvertes souvent trop tardivement puisque les factures sont maintenant en ligne !

Les coûts des loisirs numériques sont donc à prendre en compte dans le budget familial. L’argent de poche, qui permet à l’enfant d’apprendre à gérer son budget, doit inclure maintenant les coûts des paiements en ligne. L’argent de poche à gérer est une somme, composée en partie d’espèces et en partie en valeur de dépenses en ligne : l’achat de musique à l’unité, le forfait téléphone, les abonnements des jeux en ligne... sont autant de dépenses qui doivent être négociées dans un "forfait argent de poche". Cet aspect économique sous-tend de lire ensemble les contrats d’engagement, les conditions d’utilisation des jeux en ligne, de repérer ensemble les "coûts cachés dans la monnaie locale du jeu". Ces dépenses dématérialisées impactent réellement le budget familial et sont sources de conflits.

Les médias, on en parle, et quand on en parle, le rôle global éducatif des parents est bousculé

Nos réflexions avec les parents portent sur le partage, le projet collectif et la notion de règle qui permettent de définir un cadre et le degré d’autonomie. Beaucoup de parents pensent que l’interdiction totale permet d’éviter le problème, sauf qu’ils s’aperçoivent, sans se l’avouer totalement, que le problème persiste mais il est moins visible. Les interdictions totales invitent la "délocalisation" de l’activité internet : compte Facebook géré chez des copains, chat sur le téléphone portable, échange de contenus téléchargés au collège...

Nous constatons que beaucoup de parents, et principalement ceux qui n’ont pas d’affinité avec l’ordinateur et encore moins avec internet, ont tendance à se reposer sur les logiciels de contrôle parental, très vite contournés par leurs enfants pour avoir accès au compte administrateur et installer de nouvelles applications. Beaucoup de jeunes ont une télévision, une console de jeux et une connexion sur l’un des écrans dans leur chambre.

Les parents rencontrés surestiment très souvent les connaissances qu’ont leurs enfants d’internet, faisant l’amalgame entre leur dextérité avec le clavier et leur capacité à identifier les vrais risques en surfant librement. En parallèle, les parents sous-estiment leurs capacités à accompagner les jeunes dans leurs usages d’internet (des écrans), alternant une posture autoritaire et une posture de laisser-faire, argumentée par la "confiance" portée sur leurs enfants : "J’ai confiance en eux, ils me diront s’ils ont un problème."

Après un temps de travail collectif, il apparaît très vite que c’est le rôle global éducatif qui se trouve bousculé, les écrans sont individualisés, les contenus des jeunes sont diffusés sur des espaces conçus pour des adultes et qui échappent aux parents, les "automatismes" des usages des écrans se calquent sur toutes les relations du quotidien dont les règles sont "répondre à mes pulsions dans l’immédiat, être en mode sans échec, dans la valorisation de soi et sans contrainte", comme dans les médias !

François Laboulais
Chargé de mission nationale,
Pôle Médias, éducation critique et engagement citoyen des Ceméa

Mise en ligne le 10 février 2013
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