Dossiers pédagogiques >> Cinéma documentaire

Cinéma du réel : richesse du cinéma documentaire.
JP Carrier

La 36° édition du festival parisien Cinéma du réel vient de s’achever, une manifestation toujours très riche, tant en quantité qu’en qualité, avec ses multiples compétitions, ses nombreuses récompenses, ses séances et ses programmations spéciales (cette année sur le Portugal de la révolution de 1974 par exemple), ses colloques, ses rencontres avec les cinéastes ou les producteurs et de nombreux professionnels, bref il est impossible de tout voir et sans doute aussi de faire un compte rendu exhaustif. Nous nous contenterons ici d’un retour sur des films qui nous ont particulièrement intéressés.

Deux films d’éducation d’abord.

Le premier est africain. Il se passe en République Démocratique du Congo : Examen d’Etat de Dieudo Hamadi. Il montre les difficultés que rencontrent les élèves du lycée de Kasangani pour réussir cet examen national, équivalent du baccalauréat. Tout est payant, des cours aux fuites organisées des réponses aux épreuves. La religion, ou la superstition, est elle aussi systématiquement sollicitée, même si elle est moins efficace que l’argent ! Une approche très concrète de la complexité de la société africaine et du rôle que l’éducation peut y jouer. Un film saisissant, avec des scènes très fortes, comme la crise d’hystérie d’une jeune fille dans une église et l’exorcisme que pratique le pasteur, ou les manifestations de joies quasiment délirantes des reçus à l’examen.

Le deuxième est français, Si j’existe, je ne suis pas un autre, de Olivier Dury et Marie-Violaine Brincard. Il s’agit cette fois d’une classe de réinsertion des jeunes « décrocheurs » dans un lycée de Bondy. Il y a des cours de français et de maths, de la musculation et du théâtre, des arts plastiques et un spectacle de slam. Mais ce qui intéresse surtout les cinéastes, ce sont les jeunes eux-mêmes. La caméra est placée au milieu de leur groupe et les filme en plans fixes. Du coup, c’est surtout un film sur la parole. Des prises de parole incessantes, pas toujours très compréhensibles dans la mesure où ces « élèves » parlent le plus souvent tous en même temps, mais une parole libre, vivante, sans cliché. Une rencontre très chaleureuse avec une jeunesse trop souvent ignorée ou déconsidérée.

Deux courts métrages ensuite.

Choreography
de David Redmon et Ashley Sabin nous montre pendant 8 minutes des ânes, mangeant, galopant dans un pré et surtout regardant la caméra. Un regard profond, qui nous interroge, sur notre posture de spectateur, mais aussi sur la condition animale.

Hozour, film iranien de Hossein Rasti, réalisé sans commentaire pendant une cérémonie religieuse où est préparé et servi à plusieurs milliers de fidèles un plat traditionnel. Pendant la prière les gros plans sur les visages d’hommes en larmes sont impressionnants. Il est difficile d’imaginer une telle ferveur religieuse.

Trois films français montrent la diversité de la production documentaire dans notre pays.

On a grèvé de Denis Gheerbrant. La grève, longue mais finalement victorieuse, de femmes de ménage d’un hôtel parisien à 20 minutes des Champs Elysées. Issues de l’immigration africaine ou maghrébine, ne sachant pour le plupart ni lire ni écrire, c’est la première fois qu’elles se lancent dans ce type d’action. Et elles le font avec enthousiasme et ferveur, en chantant et dansant devant l’hôtel. Le film manifeste une grande empathie vis-à-vis de ces femmes exploitées qui font l’apprentissage de la lutte syndicale. L’expérience de la grève est pour elles une véritable émancipation.

Sangre de mi sangre de Jérémie Reichenbach. En Argentine, l’intimité d’une famille regroupant sous le même toit plusieurs générations. Le film montre les moments de vie collective, les repas et leur préparation, les fêtes où l’on chante et où l’on danse, un mariage et la naissance d’un enfant. Ce cycle de la vie familiale est mis en parallèle avec le travail des hommes dans un abattoir qui a la particularité d’être autogéré. Le film montre de façon très directe l’abattage des animaux et le dépeçage des carcasses. Les discussions entre les ouvriers sur la répartition des primes révèlent les difficultés rencontrées dans la gestion financière. D’un côté des images fortes, dures même, du travail au milieu du sang des bêtes ; de l’autre la douceur de l’intimité du couple de jeunes parents.

Sauf ici, peut-être de Matthieu Chatelier. L’immersion dans une communauté Emmaüs. On suit ceux qui travaillent ici, qui y sont logés et nourris. Ils rangent et trient les vêtements, les meubles, les objets de toutes sortes, récupérés pour être vendus dans un grand hangar. Le cinéaste propose une série de portraits de ces hommes que l’on sent fragiles, qui ont vécu dans la marginalité, peu insérés dans la société sans doute, mais qui trouvent dans cette communauté une possibilité de se poser, d’avoir une vie stable. Le cinéaste les interroge très peu sur leur passé, les difficultés qu’ils ont rencontré dans la vie. Il les laisse parler simplement de leur vie actuelle, de leur travail. Emmaüs est pour eux une véritable famille.

Enfin, deux films de la compétition internationale.

Sauerbruch Hutton Architekten (Allemagne) de Harun Farocki. Dans un grand cabinet d’architecture de Berlin, la réflexion collective sur les chantiers en cours. Le film montre le processus créatif, la construction de maquettes, les essais réels lorsqu’il s’agit des poignées de portes et de fenêtres, car on fait aussi ici des recherches dans le design. Une approche de l’intérieur d’une profession passionnante.

Que ta joie demeure (Québec) de Denis Côté. D’une part des images d’usine, des machines qui fabriquent seules des pièces de métal, quelques ouvriers qui surveillent ou qui effectuent des tâches répétitives ; de l’autre des comédiens qui interprètent quelques dialogues entre ouvriers ou des monologues renvoyant à la pénibilité du travail et à la déréliction qu’engendre l’usine. Un mélange documentaire-fiction plutôt surprenant.

Il faut espérer que la majorité de ces films connaîtront une diffusion en salle, ou dans d’autres festivals. Pourquoi pas à Evreux pour la dixième édition du Festival du Film d’Education en décembre 2014. En attendant, jusqu’à la fin du mois d’avril, certains films du festival Cinéma du réel peuvent être visionnés en VàD sur le site Universciné

Jean Pierre Carrier

Mise en ligne le 31 mars 2014
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