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Education aux médias, protection de l’enfance et régulation

Ce texte reprend l’intervention de Christian Gautellier, directeur du département "Enfants, Ecrans, Jeunes et Médias" des CEMEA, lors du colloque européen de Bellaria en Italie (octobre 2009). Cette intervention a eu lieu lors d’une table ronde sur "la part de la protection et de l’éducation" dans tout projet d’éducation aux médias. Ce colloque était le dernier moment de travail du projet EUROMEDUC qui s’est déroulé tout au long de l’année 2009, à travers la tenue de trois séminaires, à Bruxelles, Paris et Faro.

"A la question de l’éducation et de la protection, j’y rajouterai également la part de la régulation.

En effet, nous allons parler des enfants et des jeunes (encore que, puisque l’on affirme que l’éducation aux médias s’inscrit tout au long de la vie, pour tous les publics dont les adultes… il faudrait peut être se poser la question aussi pour les adultes). Et notre projet, notre perspective est d’en faire des citoyens critiques. Donc nous allons parler aussi des acteurs, responsables de la mise en œuvre, notamment les parents, les éducateurs. Mais le champ de l’éducation (aux médias) (responsabilité éducative et sociale vis-à-vis des enfants) est structuré par d’autres acteurs (l’Etat, les entreprises médiatiques, les instances supra nationales, les ONG…). Donc on ne peut les exclure de cette réflexion et leur « place » va se situer notamment sur la question de la régulation des médias.

Quelques mots sur le contexte

- Environnement des médias : très marchand, très ancré dans le champ de la consommation, traversé par des techniques marketings sophistiquées qui font de l’enfant son cœur de cible, qui le voit exposé de plein fouet aux sollicitations du marché.

- D’immenses machines qui fonctionnent sur la pulsion, loin de finalités cognitives (d’un sujet à éduquer), l’inflation publicitaire, le contrôle en temps réel et la trace des activités des utilisateurs).

- Existence d’un certain nombre de pratiques à risques…

- Une approche libérale de la consommation (valable donc pour les médias…) qui met en face à face les enfants et les jeunes avec les industries médiatiques en disant : le consommateur des médias, c’est lui qui a le pouvoir de décider, il est le décideur, il fait des choix informés. Les médias suscitent sa participation / choix…

Les enfants et les jeunes sont responsables… et c’est dans ce contexte que donner des capacités, des compétences aux jeunes donne corps à une éducation aux médias.

Mais n’est-ce pas une illusion ?
Comment sont pris en compte, en fonction de l’âge, des expériences sociales, la socialisation de l’enfant et la construction de sa personnalité ? Les enfants et les jeunes ne sont-ils pas « vulnérables » ? Et comment laisser peser sur eux cette responsabilité d’arbitrage, de choix – conscient ?

Articuler protection et éducation

C’est dans cette situation que, selon moi, l’éducation aux médias doit intégrer la question de la protection, dans le cadre d’une pédagogie des médias plus globale.

- Formation aux droits de la communication médiatique.
- Faire travailler les enfants sur leur environnement médiatique réel, pour les aider à faire des choix critiques.
- Favoriser les goûts artistiques et une diversité des esthétiques.
- Favoriser leur expression personnelle et l’accès aux outils de production et de création.
- Décryptage et analyse critique des contenus…

Il est nécessaire, par contre :

- de changer le rapport des éducateurs à la protection qui souvent la considèrent comme négative (notamment par rapport à l’idée d’autonomie),

- de ne pas opposer protection des enfants (le fait restreindre) et droit des enfants (laisser s’exprimer). La citoyenneté c’est la protection des droits les plus fragiles, l’accès à l’expression publique, la prise de conscience des droits que régissent la communication publique.

Cette revalorisation de la question de la protection passe par une sensibilisation aux enjeux des médias dans la socialisation et la construction de la personnalité des enfants. Protéger l’équilibre affectif, la sensibilité, l’ouverture identitaire des enfants… prendre en compte leurs différents stades de développement…

Nous ne sommes pas éloignés de l’approche qu’ont eu les institutions dont le projet central est l’enfance (CIDE, ONG éducatives, …) en instituant des espaces séparant le monde le l’enfance (les mineurs) de celui des adultes [protection / travail des enfants ; protection / violences subies, ….

Dans le domaine des médias, l’enfant est aussi vulnérable, il n’a pas le choix, il est captif, il subit les dispositifs commerciaux, pas de résistance contre l’intention de domination. (cf. avant 7/8 ans, l’enfant ne discerne pas l’intention d’une publicité…).

Un projet d’éducation fort est nécessaire. Pour les enfants et les jeunes, mais aussi pour les parents.

Mais l’éducation ne peut tout faire. Il faut protéger (cf. les chaînes BéBé-, les pratiques à risques sur Internet…, les contenus illicites…) par des postures de régulation.

Mais la protection a besoin de l’éducation, une approche strictement juridique de la protection est insuffisante (les signalétiques, les logiciels de contrôle parental).

L’interdit doit s’inscrire dans un cadre structuré qui aménage l’autonomie de l’enfant, qui porte des repères indispensables à la construction physiologique de l’enfant.
Seuls les interdits qui ont du sens / font du sens, vont permettre de légitimer l’autorité des parents et des éducateurs. Ces règles, il faut encourager les enfants à les respecter.

Le problème, c’est que l’on constate une non-harmonisation des systèmes de classification (télé, cinéma, jeux…).

Intégrer une dimension de régulation

Certes, on peut protéger, éduquer mais sans poser la responsabilité sociale des industriels médiatique, et la responsabilité d’intérêt général des pouvoirs publics, il manquerait un maillon, celui de la régulation, de la co-régulation : pouvoirs publics, industries, société civile.

Dans l’éducation aux médias, il faut introduire la possibilité d’une participation à la régulation dans la compréhension des mécanismes de plaintes par exemple, et dans le fait de les faire fonctionner.

Et ceci est d’autant plus incontournable que l’on est face souvent (et je le dénonce) au double jeu de l’industrie des médias qui produit du risque et qui… met en place des outils d’autorégulation et de protection.

Voilà comment je souhaitais vous faire partager, à partir de ma pratique d’éducateur (Directeur du département « Enfant, Ecrans, Jeunes et médias » des Ceméa – association éducative française) mais aussi d’acteurs d’une co-régulation des médias (Vice-Président du Collectif Interassociatif Enfance, Médias, Education), les inter-relations nécessaire entre éducation, protection et régulation".

Christian GAUTELLIER
Le 17 octobre 2009

Voir aussi l’intervention de Ch. Gautellier faite à Bruxelles lors de ce même projet.

Voir le site du projet EUROMEDUC

Mise en ligne le 8 février 2010
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