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17 FILLES un film de Delphine et Muriel Coulin
jean Pierre Carrier

Le point de départ du film tient dans un fait divers qui restera tout au long le seul élément narratif : la grossesse « commune » de 17 lycéennes dans une petite ville de province, Lorient en l’occurrence. La première des 17 se retrouve enceinte par hasard et décide de garder l’enfant par défi. Les autres lui emboitent le pas tour à tour, par solidarité ou esprit de groupe, faisant toute corps avec elle en mettant leur corps à l’unisson, jusqu’à la tricheuse qui utilise l’artifice du coussin pour être intronisée dans la confrérie. Un fait divers donc qui, au cinéma, pouvait devenir une comédie ou une tragédie, au choix, mais qui ici, par les questions explicitement posées par les réalisatrices, devient tout simplement un film d’éducation.

De ces questions, la première, fondamentale, est si peu posée au cinéma qu’elle en devient particulièrement précieuse : qu’en est-il du désir d’enfant des adolescentes d’aujourd’hui ? S’imagine-t-elle en mère de famille, bonne épouse, élevant consciencieusement leur enfant ? Ce désir se décline ici en dehors de tout sentiment amoureux, les garçons, indispensables géniteurs, étant immédiatement après l’acte, ignorés et rejetés dans l’oubli. Les enfants annoncés seront donc de purs enfants du seul désir d’enfant. Ce qui pourrait n’être qu’une pure folie individuelle et intime prend cependant, par l’effet du nombre et de la propagation par adhésion à un projet qui va s’affirmer peu à peu ce moins en moins flou (ce qui ne l’empêche pas de rester purement fantasmatique), la dimension d’une revendication existentielle, dont on voir vite qu’elle n’est ni vraiment politique, ni sociale, mais purement générationnelle. Les adolescentes de Lorient n’auraient-elles pas d’autres perspectives pour devenir femme et de s’affirmer comme telle que de revendiquer un statut inédit de fille-mère vivant cette situation en dehors de toute trace de honte ou de culpabilité, bousculant par cela seul, l’ordre bien établi des parents et des enseignants. Que le film du film referme la parenthèse de l’utopie collective ne change rien à la force du rejet des principes éducatifs du monde adulte. Si faire un enfant est le seul moyen d’espérer ne plus vivre comme ses parents (et ce n’est certainement pas l’école qui leur offre cette perspective), en dit long sur la faillite de cette éducation et de cette société. Qu’une fois devenue mère, ces jeunes filles ne peuvent qu’adopter, à leur tour, le mode de vie et les comportements contestés par leur désir d’enfant, en dit aussi beaucoup sur le pessimisme ambiant, toutes générations confondues.

Reste dans le film une seule lueur, non pas d’espoir, mais d’échappatoire au déterminisme absolu : la disparition (la fuite ?) de Camille, l’instigatrice du projet de grossesse collective, dont on peut imaginer, puisque le film ne di rien à son sujet, que le désir de vivre autrement qui l’a animé jusqu’alors, n’a pas été totalement anéanti.

Jean Pierre Carrier

Ce film a été projeté en avant-première au festival du film d’éducation d’Evreux le 18 novembre 2011

Mise en ligne le 11 décembre 2011
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