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Examen d’Etat. Un film d’éducation africain
JP Carrier

Examen d’Etat.

Film de Dieudo Hamadi. France-République Démocratique du Congo, 2014, 90 minutes

Après avoir exploré dans son film précédent, Atalaku, les coutumes électorales de la République Démocratique du Congo, Hamadi s’intéresse au fonctionnement du système éducatif de son pays. Pendant une année, il va suivre la préparation par un groupe de garçons et de filles de l’examen national, l’équivalent du baccalauréat. La préparation, ou plutôt le parcours du combattant que doivent affronter ces jeunes lycéens pour pouvoir passer l’examen et espérer être reçu à ce diplôme qui représente pour eux l’avenir, l’espoir d’un avenir meilleur. Réussir à l’examen n’est certes pas facile. Mais c’est surtout les conditions de la préparation qui vont poser problème pour la majorité des élèves. Arriver jusqu’à la salle d’examen est déjà un exploit. Réussir est alors presque plus une question de chance que de compétence. De chance, et d’argent.

Le film commence dans le lycée où doit être assuré la fin de la préparation de l’examen. Seulement voilà, les cours sont payants et l’administration opère une chasse à ceux qui n’ont pas acquitté la « prime aux professeurs ». Une bonne partie des élèves sont alors expulsés de la salle de classe et un recourt auprès du proviseur ne servira à rien. Ils devront alors essayer de s’organiser entre eux pour préparer l’examen par leurs propres moyens, trouver un local où se réunir et se mettre au travail. Il n’est certes pas évident de pouvoir rattraper le temps perdu dans cette première série de péripéties.

La vie des élèves, le déroulement de leur préparation, est placée sous la domination conjointe de l’argent et de la religion. Ceux qui n’avaient pas d’argent pour payer le lycée n’en ont pas plus pour assurer la survie de leur communauté. De toute façon, on comprend très vite que ce n’est pas vraiment le travail intellectuel qui peut garantir la réussite à l’examen. L’élève que nous avons vu accomplir des tâches de manutentionnaire au marché pour payer ses études n’hésite pas à faire appel à un marabout. Chaque soir il prendra une douche avec de l’eau dans laquelle auront macéré des herbes. Il fera pourtant partie de ceux qui échoueront, ce qui est dramatique pour lui, puisque l’examen est la seule possibilité qu’il peut avoir d’échapper à sa condition actuelle. Mais peut-être n’a-t-il pas fait le bon choix ?

La majorité des élèves font apparemment plus confiance aux pouvoirs d’ »un prédicateur qui récolte les dons en espèces dans son église et bénit les stylos billes pour assurer la réussite à l’examen. Une scène de possession, ou d’hystérie, d’une jeune fille est un des sommets du film. L’Afrique est décidément bien complexe.

Face à la religion et à la superstition, il y a pourtant un autre moyen de s’assurer du succès : l’achat des réponses aux questions des épreuves. Les fuites sont en effet généralisées, mais multiples et la difficulté est alors de se procurer les bonnes. Le filmage ici ne manque pas d’humour. Le réalisateur insiste sur les moyens de protection des sujets, valises fermées par plusieurs serrures, enveloppes qu’il faut découper à la lame de rasoir, alors que nous savons que les réponses sont connues de tous à l’avance. Pourtant, les visages en gros plans des candidats qui attendent le début de l’épreuve sont marqués par l’angoisse.

Deux mois après les épreuves, les résultats tombent. C’est par téléphones portables qu’ils sont accessibles. Toute la ville est envahie par les jeunes klaxonnant à qui mieux mieux sur leurs motos. On a du mal à imaginer que l’obtention du diplôme provoque une telle explosion d’enthousiasme à la limite du délire. Ceux qui sont reçus sont recouverts de farine, de lait ou de toute autre substance blanche. Assurément le plus grand moment de leur vie.

Au terme de cette année conduisant une classe d’âge à l’examen (mais sans doute pas la totalité d’une classe d’âge), nous ne pouvons éviter de nous interroger sur la réalité africaine actuelle. C’est le grand mérite du film de ne pas nous en donner une vision idéalisée. Quant au rôle que peut jouer l’éducation dans l’avenir d’un pays comme la République Démocratique du Congo, il nous fournit de bonnes raisons de ne pas être réellement optimistes.

Film présenté au festival Cinéma du réel 2014.

Jean Pierre Carrier

Mise en ligne le 30 mars 2014
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