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Démocratie, culture et régulation européenne sur Internet

La position du Parlement européen pour les négociations concernant les droits d’auteurs, avec les États membres, en vue de conclure un accord final, a été adoptée le 12 septembre. Elle prépare la future directive sur le droit d’auteur avec deux innovations : elle prévoit un « droit voisin » nouveau, au profit des éditeurs de presse et elle inscrit de nouvelles obligations pour les géants de la technologie numérique.

Le débat sur la question du rééquilibrage entre les moteurs de recherche, les plateformes de médias sociaux à régie publicitaire d’une part et les éditeurs de presse d’autre part, s’est cristallisé sur la question d’une régulation publique par la loi à l’échelle européenne ou non. La rémunération de la création de contenus, ici de la presse, mais plus largement celles des créateurs en général, est une question essentielle… Certes les modèles économiques pour la presse et la culture intègrent en partie (souvent insuffisante) des financements publics, mais ces modèles sont également construits, notamment pour la presse, sur des ressources publicitaires.
Or on a laissé se développer un commerce basé sur la captation, voire le pillage, de ces créations par les grandes entreprises monopolistiques américaines que sont les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft). Elles les exploitent sous forme publicitaire, notamment en revendant les données des citoyens à des annonceurs, soit sans rémunérer les créateurs de ces contenus, soit en les rémunérant à très bas coût —environ 60 centimes d’euro pour mille clicks (CPC) sur YouTube— ou de manière non-transparente et arbitraire (YouTube peut changer la donne et Google, la maison-mère, ne rémunère pas les créateurs avant d’avoir atteint 100 dollars). A elles seules les régies publicitaires de Google (Adsense) et Facebook (Audience Network) détiennent 90% du marché tant aux États-Unis qu’en Europe. L’évolution du marché a créé un grave déséquilibre, les plateformes numériques s’accaparant les recettes produites par le travail d’autrui. Il s’agit donc d’aller vers un partage plus équitable. La culture de création et l’information indépendante de qualité ont un coût qui n’est plus soutenable face à ce type de duopole qui ne correspond même pas aux lois du libéralisme. Face à ces excès de contrôle par le marché américain d’une ressource publique indispensable tant au débat démocratique qu’à la création culturelle indépendante, réguler est une réponse…

Elle est contestée… Certaines positions, totalement opposées à un modèle de financement par la publicité, critiquent logiquement cette directive, car elle ne remet pas en cause le principe même du fonctionnement dans une logique de marché, ne proposant seulement que de le réguler par la loi… D’autres craignent une atteinte à la liberté de circulation sur le net… Les espaces d’édition et de diffusion de contenus sous licences non marchandes pourtant ne sont pas concernés par la directive… La loi est là pour corriger les excès et s’assurer du bon fonctionnement démocratique d’institutions comme la presse et l’édition qui sont essentielles au débat d’idées.
Le système actuel est complexe… N’empêche que, face aux menaces de disparition ou de rachat de ces secteurs (presse, édition, musique,…), il s’avère urgent de réguler, ce qui est le rôle des États. Et l’échelle européenne pour peser face aux géants comme les GAFAM américains, est la bonne, en termes de rapport de force car l’UE est le plus gros marché pour eux après les États-Unis, en matière de revenus.

Le texte de la directive européenne ne va pas tout régler, il reste des points à préciser, voire à modifier et revendiquer… Cette directive sera ensuite transposée par l’ensemble des États membres, dans leur droit national. Néanmoins, la complexité de la situation nécessite de bien distinguer la nature des acteurs du net, ceux dont la dimension commerciale et lucrative hiérarchisent les contenus à base d’algorithmes, et ceux qui s’inscrivent dans des démarches solidaires et des usages non marchands. Restent également le combat contre l’usage des données à des fins publicitaires (cf. la future directive E-Privacy), la question de la fiscalité des GAFAM et des industries du numérique (les NATU, Netflix, AirB&B, Tesla et Uber, sont à l’horizon), la surveillance généralisée et non consentie des personnes privées…

Les mobilisations citoyennes sont et resteront absolument nécessaires. Elles obligent chacune et chacun à se construire une lecture globale des enjeux croisés de la culture, de la démocratie et de l’économie, dans lesquels sont posés à la fois, le droit à la création et le soutien des auteurs, la libre circulation de contenus non marchands, l’existence d’une information de qualité et d’investigation, la régulation des industries puissantes et la protection des citoyens, notamment face à la menace montante de la surveillance généralisée.

Christian Gautellier

Mise en ligne le 23 octobre 2018
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