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Au-delà des écrans, l’enjeu des objets connectés pour les tout-petits
L’augmentation des usages face aux écrans chez les tout-petits, depuis l’arrivée notamment des chaînes de télévision pour bébés et de la démultiplication des applications sur tablettes, a mobilisé les professionnels de l’enfance, les chercheurs, les associations éducatives et les pouvoirs publics… La recommandation « Pas d’écran avant 3 ans »… en est l’illustration, s’adressant en particulier aux parents. Mais aujourd’hui, une nouvelle préoccupation majeure doit tout autant nous alerter : l’arrivée de nouveaux produits et services connectés souvent directement intégrés dans le matériel de puériculture utilisé par l’enfant (body connecté, sucette connectée…). L’enjeu commercial porté par les grandes marques présentes sur ce marché ne doit pas l’emporter sur l’intérêt du jeune enfant. Le Centre Européen des Produits de l’Enfant de l’université de Poitiers, soutenu par la Fondation pour l’enfance, en lien avec les Ceméa, a mené un travail d’analyse de l’offre numérique destinée aux enfants de 0 à 6 ans et du discours marketing des principales marques… 1 Quatre grandes "classes" de produits Fondée sur une étude de près de 100 produits et services numériques, le rapport suggère de distinguer quatre grandes « classes » de produits et services répondant à des enjeux similaires sur le plan du développement de l’enfant et de l’accompagnement des parents. Les deux premières, qui rassemblent les produits qui « préparent à l’école » (lecture, calcul, écriture, pensée logique…) et les « exhausteurs de créativité » (développer l’imaginaire, créations matérielles, raconter des histoires…) sont plutôt bien identifiées. Les enjeux pour ces deux catégories sont multiples : validation ou non de la promesse d’apprentissage au regard des recherches en sciences de l’éducation, absence de publicité dans les contenus, implication des parents dans l’activité, enrichissement de l’interaction langagière entre l’enfant et l’adulte, combinaison d’activités numériques et loisirs traditionnels, transposition dans le réel de ces activités.... Les deux autres catégories mises en exergue par le rapport sont plus nouvelles : les « Quantified kids » (les « Enfants mesurés »), comprennent l’ensemble des dispositifs ayant pour but de mesurer des données propres à un individu, ici surtout des bébés (température, battements du cœur, mouvements, sommeil…). Ce monitoring à distance pose des questions de santé et de bien-être, mais aussi d’éthique… : non seulement l’exposition du corps et du cerveau du bébé à des rayonnements radioélectriques ou à des ondes électromagnétiques est néfaste, mais en outre, ces objets recueillent ainsi des données personnelles dont la collecte et le traitement doivent être régulés, voire dans certains cas interdits. La quatrième catégorie correspond aux « Activités du quotidien » (surveiller, communiquer, calmer, favoriser une bonne hygiène, une bonne alimentation…), celles-ci concernent les déplacements de l’enfant, l’organisation de ses activités... Certes, elles ont une fonction de sécurité pour les parents et peuvent constituer un appui pour un apprentissage de l’autonomie… mais elles soulèvent également les problèmes d’exposition des enfants aux ondes électromagnétiques et la collecte de leurs données personnelles… Des repères et des recommandations Au regard de tous ces éléments, il nous semble important et nécessaire de poser quelques repères pour les parents et quelques recommandations pour les pouvoirs publics. Développement de l’enfant. Il ressort des différentes recherches menées actuellement dans le monde, que les controverses sur l’impact des dispositifs numériques sur le développement des jeunes enfants, demeurent : cependant pour les tout-petits de moins de trois ans, un consensus émerge entre professionnels de l’enfance et chercheurs, qui considèrent les retombées de ces produits ou services connectés comme négatives. « Pas d’objets ou services connectés pour les enfants de moins de trois ans » doit être la base de toute posture éducative et de toute logique d’innovation des industries du jouet. Même si la responsabilité des parents est première, ces derniers se sentent souvent bien seuls face à de ces enjeux croisés qui sont particulièrement complexes. Une régulation des États ou à l’échelle européenne est nécessaire, mais elle doit venir en appui d’échanges réguliers avec les entreprises pour renforcer la responsabilité sociétale des industries de l’enfance. La place des citoyens à travers leurs organisations associatives ou éducatives, et grâce à un dialogue permanent avec les chercheurs pour tenir compte des avancées scientifiques, est essentielle afin de parvenir à une co-régulation partagée de ce « marché des produits et services numériques » des 0-6ans, dans le seul intérêt de l’enfant. Valérie-Inés de La Ville, Professeure des universités, IAE Poitiers Mise en ligne le 23 octobre 2018
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