Découverte ludique de deux grands peintres
Le port du Havre et sa gare, Rouen et sa cathédrale, Ginerny et son magnifique jardin, la gare Saint Lazare à Paris. Tout ces lieux ont été peints par Monet et c’est eux que nous traversons dans ce jeu d’aventure édité par Wanadoo édition (qui a racheté Index plus). Il nous propose de nous livrer à une enquête policière, mais surtout de nous imprégner de la beauté de ces paysages, ou plutôt de la façon dont Monet les a peints. Une initiation très réussie à la peinture en général et à l’impressionnisme en particulier.
L’équipe de Média Factory qui le réalise n’en est pas à son premier essai. Elle nous avez déjà offert en 1998 Mission Soleil, coup d’essai qui était un véritable coup de maître. Il s’agissait alors de nous immerger dans de monde de Van Gogh, de vivre avec lui en Arles ou à Auvers, le tout en 3D temps réel et avec la possibilité d’écouter des extraits des lettres de Vincent à son frère Théo qui ne pouvait pas se faire sans une grande émotion. Nous retrouvons ici le même projet, développer une formation esthétique par le jeu multimédia ; réalisé avec la même rigueur, tant dans les propos tenus par le peintre sur ses œuvres et sa vision de la peinture que dans la richesse visuelle de la reconstitution des espaces à partir des tableaux. Et la réussite est tout à fait comparable.
La dimension jeu d’aventure est dans ce second titre beaucoup plus importante que dans le premier. Le joueur n’incarne pas Monet lui-même, qui n’est qu’un des personnages rencontrés dans l’aventure, mais un jeune architecte qui se voit confié le projet de transformer l’Orangerie du Louvre à Paris en musée Monet. Mais voilà, le lieu est convoité par un industriel du pétrole (sic) qui n’hésiterait pas à faire dynamiter l’Orangerie pour arriver à ses fins. Pour l’empêcher de réussir, il faudra déployer pas mal de ressources, avoir de l’astuce et de l’imagination, et surtout être particulièrement persévérant. Car rien n’est simple. Il faut tâtonner bien sûr, explorer les moindres recoins des décors, trouver tous les objets qui pourront se révéler utiles et surtout comprendre à quoi ils peuvent servir au moment opportun. Bref, il est indispensable de sauvegarder sa partie régulièrement (comme le conseil en est donné dans le livret d’utilisation) pour éviter d’avoir à recommencer maintes et maintes fois depuis le début. Car les causes d’échec sont nombreuses, et ne peuvent pas toujours être évitées. Les moments critiques, face à face avec les malfaiteurs par exemple, demandent de réagir de façon quasi instantanée, car alors le temps est compté et se déroule inexorablement comme dans la vie réelle. L’introduction de ce facteur temps est une des nouveauté de ce deuxième titre et son utilisation est tout à fait pertinente. Par exemple, à la gare du Havre, le départ du train pour Rouen, que vous devez prendre obligatoirement est annoncé pour dans 2 minutes. Et le joueur n’a effectivement que ces deux minutes réelles pour gagner le quai, acheter un ticket alors que l’employé dort et trouver le wagon du contrôleur. Il y a de grandes chances pour que tous les joueurs aient à recommencer cette séquences à plusieurs reprises, pour que l’enchaînement des actions se fasse sans hésitation, et cela quelque soit l’habitude acquise des jeux vidéo. Les effets de réalisme sont donc ici importants (si par mégarde vous vous aventurez sur la glace du ruisseau, attention à la noyade !), et renforce incontestablement le suspens et l’implication du joueur dans l’action.
La découverte de l’œuvre de Monet se fait elle par l’accès à une galerie de ses tableaux où l’on peut utiliser une loupe, consulter leur taille réelle, être informé de leur date de création et du musée où ils se trouvent. Mais le plus intéressant est sans hésitation la rencontre avec le peintre lui-même dans son atelier de Giverny, où il finit une toile qu’il commentera dès son achèvement. Il est possible alors de visiter l’atelier en prenant tout son temps, la trépidation du jeu qui reprendra d’ailleurs aussitôt après sur un rythme encore plus effréné est pour l’occasion heureusement suspendue. Chaque toile fait l’objet d’un commentaire simple mais précis, tout à fait accessible aux enfants dès 8-9 ans. Autre moment particulièrement réussi, la rencontre avec le projectionniste de films devant la cathédrale de Rouen. Une astuce ingénieuse du jeu nous permet de regarder une séquence montrant, sous la forme noir et blanc et pas mal endommagée, des premières réalisations du cinématographe, Monet réalisant ses œuvres. Et si les trente toiles qu’il a réalisées de la cathédrale ne sont pas toutes présentes dans le cédérom, incontestablement cette séquence donne envie de trouver le moyen d’en connaître le plus grand nombre possible pour rechercher leurs différences. Cette séquence montre parfaitement comment le jeu peut être mis au service d’une visée informative et même formative. Tout au long du programme ces deux dimensions sont réellement imbriquées l’une dans l’autre ; chacune renvoie à l’autre sans même qu’on s’en aperçoive. Ainsi le joueur n’est pas mis en demeure d’aller consulter une base documentaire pour trouver les indices nécessaires à la résolution des problèmes qui lui sont posés, c’est dans le jeu lui-même qu’il les trouve et Monet lui-même, sa vie et ses toiles font justement partie du jeu.
Ces deux jeux issus d’un même projet et reprenant les même orientations techniques réussissent chacun à affirmer leur originalité. On ne peut qu’espérer que d’autres suivront qui réussiront aussi à nous surprendre et à nous ravir.
Jean Pierre Carrier