Adapter sous forme multimédia un conte traditionnel n’est certes pas chose évidente. Ce Vaillant Petit Tailleur, repris des contes de Grimm, illustre parfaitement les problèmes rencontrés dans une telle entreprise et les difficultés qu’il y a à les résoudre.
En tout premier lieu se pose le problème de l’interactivité, prise ici au sens de la marge d’initiative et de possibilité pour l’utilisateur d’agir sur le déroulement du programme. Car s’il s’agit de respecter le conte, on ne voit pas comment il serait possible pour chaque utilisateur de choisir ne serait-ce que l’ordre dans lequel il veut le faire se dérouler. Sa participation se limite alors au choix du rythme dans lequel se déroule l’histoire, puisqu’il a au moins la charge de passer d’un écran à l’autre. Bien sûr il peut aussi déclencher des animations particulières (ici les oiseaux sont des compagnons constants des aventures du tailleur), mais il ne s’agit le plus souvent que d’éléments du décor qui n’ont pas d’influence sur le récit lui-même. Au fond, le seul vrai choix apparaît en cas d’échec à une des épreuves jalonnant la route du héros, puisqu’il est alors proposé de renoncer ou de persévérer en recommençant. Mais bien sûr, puisqu’on s’adresse aux enfants à partir de 4 à 8 ans, ce manque d’implication directe dans le récit n’est pas un défaut trop grave, puisque son augmentation risquerait de dérouter les plus petits et les empêcher de progresser dans le programme.
Si l’utilisateur n’intervient pas à proprement parler dans le déroulement du récit, la progression dans ses différentes étapes est quand même dépendante de la réalisation d’épreuves mettant en jeu ses réflexes ou ses capacités de raisonnement et son sens de l’astuce. Ce qui fait l’intérêt de l’adaptation d’une œuvre connue dans le cadre de la littérature de jeunesse, c’est que l’enfant peut alors s’identifier au héros en le faisant agir et en vivant en quelque sorte ses aventures de l’intérieur. Une des plus grandes réussites dans ce domaine reste le Robinson Crusoë publié il y a quelques années déjà par Flammarion. Ce titre établit en effet une très pertinente imbrication entre le texte de l’œuvre, consultable dans le livre lui-même, et les lieux reconstitués où se déroule l’action. Celle-ci est alors entièrement à la charge du joueur, qui peut progresser par ses propres moyens ou avoir recours à la lecture pour comprendre ce qu’il y a à faire. Ici le texte du conte n’est pas accessible directement, sauf par de brefs fragments oraux lorsque l’on sollicite l’aide, ce qui est un peu dommage.
Le conte du Vaillant Petit Tailleur se prête cependant bien à ce genre de mise en scène, puisque toutes les épreuves que le héros rencontre peuvent être confiées au joueur. Leur réalisation pose cependant problème au niveau de la nature de l’activité demandée à l’enfant. Il est certes compréhensible et facilement réalisable de tuer sept mouches à l’aide d’une tapette. Par contre rester en équilibre sur le tronc d’arbre que porte le jeune géant n’est pas chose aisée, surtout qu’aucune indication n’est donnée sur le rôle que peuvent avoir pour cela les touches de la souris ou du clavier. Et comme toujours en pareil cas, la difficulté de la tâche augmente l’intérêt du joueur mais risque aussi de vite décourager les moins persévérants !
Ajoutons que le programme propose également des activités manuelles (pliages, découpages, cuisine et même couture...) Les modèles sont facilement imprimables et les explications données faciles à suivre. De quoi fabriquer des éléments qui pourront devenir de très bons support de l’imaginaire.
Jean Pierre Carrier