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Cédéroms
L’espace
Jean Pierre Carrier
CNES, Emme, Anten Qui n’a un jour rêvé de s’installer confortablement dans la salle de contrôle de Kourou pour suivre dans ses moindres détails le lancement de la fusée Ariane ? Si vous avez toujours cru que c’était impossible, détrompez-vous. Car c’est tout à fait ce que le CNES (Centre National d’Études Spatiales) nous propose avec ce cédérom consacré à l’espace, sa conquête et son exploration. Bien sûr, nous ne sommes pas dans le direct. Aussi pas de suspens. Tout va bien se passer. On aura inévitablement droit aux applaudissements d’autosatisfaction des ingénieurs et autres responsables entièrement dévoués à la cause de cette grande aventure. Comme les réalisateurs du cédérom d’ailleurs. L’espace est beau, fascinant et tellement mystérieux encore. Et devant son écran d’ordinateur, c’est véritablement le plus grand spectacle que la science peut nous offrir qui est mis à notre portée. Pour essayer de comprendre. Mais aussi pour le plaisir des yeux. La conquête de l’espace c’est donc d’abord un spectacle, se déroulant quasiment plein écran, c’est-à-dire sans que le visuel soir encombré par des menus, boutons ou autres outils de navigation. Certes la possibilité de diriger la navigation est présente, puisqu’il suffit de déplacer la souris vers le haut de l’écran pour dévoiler le menu. Mais masquée par défaut, il sera toujours tentant de ne pas l’utiliser. Cette dimension spectaculaire est d’ailleurs renforcée par le commentaire, insistant sur les « premières » (premier satellite en orbite, premier animal, dans l’espace, premier homme, première femme, premiers pas sur la lune...), et l’insistance sur la concurrence entre États Unis et URSS. Les dates des faits marquants se succèdent à un rythme relativement rapide. Heureusement, chaque nom propre et chaque terme technique s’inscrivent dans une barre sous les images. Il s’agit bien sûr de liens permettant d’accéder à un texte plus détaillé et souvent aussi à une image fixe, ce qui introduit une pause dans le flux de la vidéo. L’ensemble de ces documents ne manque pas d’intérêt, ni de diversité. Si les images les plus connues sont bien au rendez-vous. D’autres sont plus originales et surprendront même, par les angles de prises de vues par exemple, en particulier lors de lancements de fusées. Et puis, difficile de trouver des lacunes dans la masse des faits évoqués, même si ce souci d’exhaustivité implique que beaucoup d’éléments ne soient pas approfondis. Cette présentation de la conquête de l’espace est donc plutôt événementielle et n’offre guère d’éléments de réflexion sur sa légitimité ou ses enjeux, politiques et économiques. « Comment ça marche » et « À quoi ça sert », ces deux parties ont une visée beaucoup plus explicative. D’ailleurs les animations, à base de schémas ou d’images de synthèse y sont systématiquement utilisées. Mettre à la portée de tous, des principes de base, donc relativement simples, est un souci de vulgarisation des plus louables. Ainsi, le principe de réaction est mis en évidence d’une façon particulièrement concrète et ingénieuse, à partir du fonctionnement du canon et de la représentation d’un joueur de basket en roller, le tout se résumant dans le test du pécheur au milieu de l’étang et qui a perdu ses rames. Mais la grande vedette du programme, c’est bien sûr Ariane. Il est possible de suivre la totalité de la séquence d’un de ses vols, depuis le décollage jusqu’au largage du deuxième satellite, avec en bonus des images impressionnantes prises depuis une caméra embarquée. De même le satellite Spot est disséqué dans ses moindres détails. Bref, nous pouvons être fiers d’être européens, ce qui n’empêche pas non plus de se réjouir de la coopération internationale, de plus en plus importante et de toute façon indispensable pour mener à bien des projets ambitieux. Si tout va bien, rendez-vous pour les premiers pas de l’homme sur Mars ! Ce cédérom, dans son optimisme à toute épreuve, ne laisse pas la place au doute. C’est possible, donc cela se réalisera. Ce n’est qu’une question de temps. Peut-être. Mais on peut penser que la dimension pédagogique d’un tel produit aurait gagné en rigueur et en portée si le moindre questionnement critique n’avait pas été systématiquement écarté. Une telle confiance dans la marche inexorable du progrès et dans la toute puissance de la science est quand même aujourd’hui un peu naïve. Jean Pierre Carrier Mise en ligne le 2 mai 2006
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