Regard critique sur des contenus plurimédias >> Cédéroms

Julia, Retour vers les sixties
Jean Pierre Carrier

Ubisoft

Les rues et les maisons présentent des couleurs des plus psychédéliques et la majorité des écrans regorgent de petites fleurs de couleurs. Nous sommes en effet à San Francisco dans les années 60, à la grande époque donc des Hippies, du "Peace and Love", du mouvement étudiant et de la protestation contre la guerre de Viet Nam. Tel est le contexte politique et culturel de ce jeu d’aventure qui nous propose de nous replonger dans ce passé normalement présent à la mémoire de bien des adultes, mais que beaucoup d’adolescents ignorent sans doute superbement comme faisant partie d’une époque lointaine à jamais révolue. La nostalgie n’est donc pas de mise ici, ce qui préserve la portée historique de cette reconstitution dans l’ensemble très réussie.

Le jeu proposé joue de façon très classique sur le thème du paradoxe temporel. L’héroïne, Julia, émet le souhait banal de pouvoir recommencer une journée qu’elle trouve particulièrement ratée. Et comme elle se trouve devant son ordinateur, elle va être prise au mot, ou presque. Car en fait elle va se retrouver à San Francisco en 1967 avec une terrible mission à accomplir : faire que ceux qui doivent devenir son père et sa mère se rencontrent effectivement à la fin de la journée. Pas si facile en fait, car s’ils ont bien rendez-vous, un ou une de leurs proches a tout intérêt à faire que cette rencontre n’ait pas lieu, ce qui aurait des conséquences bien fâcheuses pour la Julia de notre époque. Elle va donc devoir démasquer l’imposteur, en menant une enquête minutieuse lui permettant de rassembler suffisamment d’indices pour confondre de façon évidente le ou la coupable.

Nous sommes donc dans un jeu d’enquête policière, ou du moins d’une enquête qui en prend l’aspect, mais sans détective et sans assassin, ce qui change tout. D’ailleurs l’ambiance colorée et les déplacements au grand jour évitent les clichés du polar ou du film noir. Comme cela devient de plus en plus fréquent dans les jeux s’adressant aux adolescents, un choix est proposé au départ entre deux aventures différentes, mais qui comportent quand même pas mal d’éléments communs. Il faudra rassembler des indices en questionnant les différents personnages, ne pas oublier de ramasser tous les objets possibles, surtout des documents écrits, et savoir les utiliser au bon moment. Le joueur a aussi à sa disposition le " sac de Julia ", qui contient des objets de son époque à elle, et qui peuvent servir de cadeau aux personnages des sixties. Bien utile pour les amadouer et réparer les maladresses de Julia dans les questions qu’elle leur pose. Le tout est souvent assez évident, mais l’énigme dans son ensemble est bien ficelée et donc pas si facile que ça à résoudre. Il faudra beaucoup de perspicacité pour ne pas accuser quelqu’un à tord et tenir compte de tous les éléments d’une situation dans le fond bien complexe. On comprend alors pourquoi le joueur dispose d’un bloc-notes, dans lequel il aura tout intérêt à recopier les indices qu’il découvre pour pouvoir les consulter à loisir. En particulier ceux que l’on peut gagner en donnant trois bonnes réponses aux questions du quizz portant sur les événements les plus marquant des années soixante, que ce soit dans le domaine de la politique, de la musique ou de la conquête spatiale. Une façon assez divertissante d’aborder des points d’histoire !

Puisque l’héroïne est une adolescente, ce jeu est présenté par l’éditeur comme s’adressant tout particulièrement aux filles. Et en effet, des efforts évidents sont faits pour donner un côté féminin à l’intrigue. Au fond il s’agit d’une affaire de cœur, avec ce que cela peut impliquer de ruse et de mauvaise foi, de jalousie et de rivalité entre les meilleures amies du monde ! La psychologie des personnages est cependant loin d’être simpliste et même si on a l’impression de ne pas toujours éviter les clichés, les relations humaines de ce petit monde d’étudiants et de journalistes sont souvent assez subtiles et composent un tableau dans lequel les traits d’humour ne manquent pas. On peut ainsi relever des indications pertinentes sur les problèmes spécifiques des adolescentes, comme les relations mère-fille, qui n’ont sans doute pas vraiment changé depuis les années 60. Mais l’intérêt principal réside dans l’utilisation des idées caractéristiques de la jeunesse de cette époque, le pacifisme, l’écologie et la protection de la nature, le féminisme aussi. Tout cela donne une dimension des plus sérieuses à une intrigue qui sans cela pourrait très bien sombrer dans la vie amoureuse à l’eau de rose des midinettes.

Et puis la reconstitution de San Francisco est parfaitement réussie. Les rues et les maisons sont dessinées avec une précision extrême qui rivalise avec bien des décors en 3D et même avec certaine utilisation de la vidéo. Il est même possible de prendre le tram ! On a donc un grand plaisir à explorer ces quartiers, ce qui évite l’ennui que procure souvent dans ce genre de jeu la nécessité de revenir sur les mêmes lieux par crainte d’avoir oublié un objet qui se révèle indispensable par la suite. L’ambiance sonore est aussi très agréable, le vocabulaire des protagonistes, caractéristique de l’époque, est bien adapté. Bien des éléments sont donc réunis pour faire de ce titre, dont il faut fortement souligner l’originalité dans la production actuelle, un véritable succès.


Jean-Pierre Carrier

Mise en ligne le 2 mai 2006
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