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Deux DVD
Arte Vidéo
A tout seigneur tout honneur, le premier volume s’ouvre sur Cartier-Bresson (bien sûr, la navigation permet de choisir librement dans quel ordre visionner les films.)
Tout de suite, c’est l’importance de la temporalité qui est évoquée par le photographe, même s’il ne reprend pas ici sa formule célèbre concernant « l’instant décisif ». De tout façon, l’ensemble de ses propos est parfaitement cohérent avec cette idée essentielle. Disons simplement que Cartier-Bresson ne se veut pas théoricien. Ici, comme dans bien d’autres circonstances, il ne vise pas à expliquer son travail. Il le donne à voir le plus simplement possible. Ce qui ne l’empêche pas pourtant, par quelques remarques en apparence anodines, de nous guider dans notre réflexion sur le sens de son œuvre et de la photographie en général, du portrait au reportage.
Pour Cartier-Bresson, la photographie n’a pas à revendiquer d’être considérée comme un art. Il se présente lui-même comme un artisan, travaillant « au flair, au pifomètre ». Surtout ne pas réfléchir, pourrait être sa devise. Du moins au moment d’appuyer sur le déclencheur. Ensuite, devant la planche contact, il faut bien faire des choix, en fonction de la destination de la photo, « le tout venant » pour les revues ou les journaux, « la crème », pour les livres et les expositions. Mais toujours c’est la sensibilité qui prime. Et c’est peut-être pour être en accord avec cette idée que le film laisse la plus grande place au portrait.
Cartier-Bresson ne se présente pas comme un spécialiste du portrait. Dans ses propos, tout semble si simple. Il n’a, dit-il, photographié que ses « copains ». Il suffit alors d’être là avec eux, souvent, de les regarder vivre. C’est cette connivence qui fait la réussite de l’image. Cartier-Bresson ajoute pourtant aussitôt un élément plus technique : l’importance du fond, « aussi important que le visage ». Phrase prononcée alors que sur l’écran nous sont présentés les clichés de Coco Chanel , en tailleur comme il se doit, devant une bibliothèque. Le renvoi à une photo vue quelques instants auparavant - Giacometti dans une rue se protégeant de la pluie sous son imperméable - est alors inévitable. Contrairement aux images prises dans son atelier, devant ou à côté de quelques unes de ses statues, l’artiste n’est pas ici reconnaissable. Mais ce qui compte, c’est sa façon de marcher, qui contient autant de sensibilité qu’une expression du visage.
Dans ce film, Cartier-Bresson n’évoque pas son activité de photo-reporter ni son travail avec Magnum, l’agence dont il fut pourtant un des créateurs. Ses reportages sont pourtant présents, à travers une série de photos - pas de planche contact - prise en Inde, avec en particulier celles concernant la mort de Gandi. Présentées sur un rythme extrêmement rapide, il faut un œil particulièrement attentif pour les discerner (à moins d’utiliser l’arrêt sur image !), comme si le moment précis où elles furent prise ne pouvait que laisser une sensation visuelle fugace, appelée à disparaître aussitôt dans les profondeurs de l’histoire.
Le dernier mot de Cartier-Bresson est le mot « réussir ». Défile alors sous nos yeux la planche contact des photos de Matisse dans son atelier. Par un zoom avant, la caméra cadre alors en gros plan les trois colombes blanches. Un grand moment d’émotion...