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Une SEPARATION. Film iranien de Asghar Farhadi. 2010
Jean Pierre Carrier

Jusqu’à la fin du film, l’incertitude persiste : Nader et Razieh vont-ils vraiment divorcer ? L’ont-ils définitivement décidé ? Sont-ils d’accord entre eux ? En ont-ils chacun de leur côté vraiment envie ? Le dernier plan du film est sans équivoque : dans le couloir, devant le bureau du juge, ils sont assis presque en face l’un de l’autre, sans se parler, sans se voir. La séparation est consommée, même si toutes les questions qu’elle a suscitée n’ont pas toutes trouvé de réponses. Mais l’important est que Termeh, leur fille, n’est pas là. Elle est restée devant le juge, pour lui dire sa décision, en l’absence de ses parents, et du spectateur du même coup. Le juge lui a posé plusieurs fois la même question : avec lequel de ses parents veut-elle aller vivre. C’est à elle de décider. Mais elle ne donne pas tout de suite sa réponse, même si elle affirme avoir fait son choix. Que sa réponse soit ainsi différée, pour finalement ne pas être inscrite dans le film lui-même, montre bien la place centrale que l’adolescente occupe dans le film. Si le dernier plan montre les parents, c’est la réponse de Termeh à la question du juge qui est l’aboutissement de tous les événements qui jalonnent le film, sa clôture, non dite explicitement, ce qui la renvoie à sa place réelle : la conscience de Termeh.

Traitant de l’adolescence embarquée dans le divorce des parents, Une Séparation évite deux écueils. Le premier consisterait à faire de leur fille l’enjeu des oppositions, voire des conflits, des parents, chacun cherchant alors à la mettre de son côté et de s’en servir comme d’une arme contre l’autre. Le second serait de montrer l’adolescente en pure victime d’une situation qui la dépasserait et dans laquelle elle serait par définition incapable d’intervenir et d’avoir ne serait-ce que son mot à dire. C’est la grande force du film de ne pas aller dans ces directions, pourtant si courantes dans la vie réelle. Bien sûr, Termeh vit la divorce de ses parents comme une épreuve, qu’elle n’a pas choisie et qu’elle aurait souhaité éviter. Mais elle ne manifeste aucune résignation, ce qui est particulièrement frappant dans le contexte de l’Islam. Les gros plans sur son visage, dans le bureau du juge, en particulier au moment où elle ment pour « sauver » son père, ou dans la dernière séquence lorsque le divorce est prononcé, nous montrent sa force intérieure, sa résolution de ne pas céder au désespoir. C’est sans doute en partie pour cela que ce film, pourtant strictement inscrit dans le contexte iranien, peut toucher un public occidental. Il nous donne une vision de l’adolescence qui revêt une signification universelle : c’est en se frottant aux dures réalités de la vie, avec l’aide de ses parents sans doute, mais aussi, plus fondamentalement, en puisant dans ses propres ressources la force nécessaire, que l’on devient soi-même. Le but de toute éducation ?

Jean Pierre Carrier

Mise en ligne le 11 août 2011
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