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TOUT LE MONDE DIT JE T’AIME un film de Cécile Ducrocq

Jean Pierre Carrier

La fiction au festival du Film d’Education.

A Evreux, le film d’éducation ne se limite pas au documentaire, même si la compétition lui donne encore largement la majorité, même si les jurys ignorent les fictions, comme les films d’animation d’ailleurs. Pour la fiction, il y a une revanche dans le festival : les soirées lui sont entièrement consacrées, comme les deux cartes blanches proposées cette année par François Campana. Certes les fiction de la compétition étaient essentiellement des courts ou moyens métrages, ce qui semblerait les condamner à n’être que des compléments de programme. Pourtant ces « petits » films peuvent être de grands films d’éducation.

Preuve, une véritable pépite, TOUT LE MONDE DIT JE T’AIME un film de Cécile Ducrocq. 6 minutes de dialogue à la Rohmer entre deux jeunes filles. La première a reçu un texto de son « copain », un « je t’aime » qui visiblement ne la laisse pas indifférente. Elle en fait donc immédiatement part à sa meilleure amie, pas seulement pour partager avec elle un secret, mais surtout pour lui demander conseil sur la réponse la plus appropriée à donner. Mais voila, elle ne s’attendait sûrement pas à la réaction particulièrement critique et négative de son amie. Dire « je t’aime » après seulement quelques jours de « liaison », ç ne se fait pas, ça n’a aucun sens. Surtout pas par texto ! Et d’argumenter avec véhémence, au point de désarçonner son amie, de semer le doute dans un sentiment si pur. Serait-elle si vieux jeu ? Le film tisse ainsi une savante opposition entre la sentimentale et la blasée (ne serait-elle pas un peu jalouse au fond d’elle-même ?), entre la sincérité et la mise en avant de la seule apparence. En quelques répliques, c’est une bonne partie de la façon de vivre les sentiments amoureux des adolescentes qui est ainsi mise à nue.

Un regard sur l’adolescence donc, plein de fraicheur, mais aussi de profondeur, sans les tics que peut avoir le cinéma à son propos lorsqu’il joue la nostalgie que l’âge des premiers émois amoureux peut susciter. Ici, tout se joue dans le langage, une longue argumentation dont il faut savourer les méandres et les rebondissements. En 6 minutes, un art cinématographique parfaitement maîtrisé !

Jean Pierre Carrier

Mise en ligne le 9 décembre 2011

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