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Les smartphones ont-ils tué l’ennui ?

“Xavier de la Porte, producteur de l’émission Place de la Toile sur France Culture, réalise chaque semaine une intéressante lecture d’un article de l’actualité dans le cadre de son émission. Nous avons apprécié celle de cette semaine,qui provient du site de CNN, on la doit à Doug Gross et elle s’intitule “Les smartphones ont-ils tué l’ennui ? Et est-ce là une bonne chose ?”

“Regardez les gens autour de vous dans la queue d’un cinéma ou sur le quai d’une gare”, commence Doug Gross. “Il y a de bonnes chances pour qu’une grande partie d’entre eux aient le regard baissé sur l’écran de leur téléphone ou autre tablette, en train de regarder leurs mails ou leurs textos, ou de jouer à un jeu vidéo qui aurait nécessité il y a quelques années un ordinateur fixe ou une console.

Grâce aux évolutions récentes de la technologie, la manière dont les gens passent le temps a radicalement changé. Les magazines posés dans les salles d’attente des médecins ne sont guère plus ouverts. Vous n’avez plus un regard pour vos voisins dans une file d’attente. Entre les smartphones, les tablettes et les liseuses, notre société tue chaque seconde d’ennui en un effleurement d’écran. La part de propriétaires de smartphone est en pleine croissance, et près de la moitié d’entre eux disent utiliser leur téléphone pour se distraire quand ils s’ennuient (moitié à laquelle il faudrait ajouter ceux qui, quand ils s’ennuient, se livrent à des activités moins divertissantes comme écrire des textos ou consulter des mails).

Tout cela fait sens, selon les chercheurs. Caresser son téléphone du doigt répond, disent-ils, à un besoin fondamental de l’être humain : tuer l’ennui par tous les moyens possibles. Christophe Lynn, professeur d’anthropologie à l’Université d’Alabama, compare ce geste au fait de fumer une cigarette. Les deux peuvent être selon lui des “pivots”, “des choses qui nous transportent très vite de la monotonie de la vie quotidienne vers un monde de jeu non programmé”. Avec la possibilité qu’ils offrent de jouer, d’écouter de la musique, de regarder des vidéos, d’aller sur les réseaux sociaux et d’envoyer des textos, les smartphones sur-stimulent le désir qu’ont les êtres humains de jouer, dès que leur environnement se ternit, ajoute l’anthropologue. Et il pense que la société contemporaine pourrait encore renforcer ce désir. “Quand vous êtes habitués à une stimulation constante, dès qu’elle vous manque, vous ne savez plus quoi faire de vous-mêmes, ajoute le chercheur. Quand vous êtes habitués à ne plus avoir aucun temps mort, tout vide produit de l’angoisse. Et là, nous avons le smartphone, il est le perpétuel soulagement à nos angoisses.”"

Si nos téléphones sont si efficaces pour répondre à un désir ancestral, est-ce forcément une bonne chose ? se demande le journaliste de CNN.

A Oxford, au Centre de recherche sur les questions sociales, des chercheurs craignent que cela ne le soit pas. Selon eux, remplir toutes les secondes de notre temps en fixant notre téléphone risque de nous priver de la créativité et autres fruits qui, jusqu’ici, ont caractérisé notre confrontation à l’ennui, expliquent-ils dans “Le désir des désirs” :

“La surcharge informationnelle restreint considérablement le temps alloué à la réflexion personnelle, à la pensée, ou simplement à la digression mentale, écrivent les chercheurs anglais. Avec un téléphone portable continuellement allumé et une pléthore de distractions possibles pour l’œil, il est compréhensible que certains trouvent difficile de s’ennuyer de manière introspective.”

Sur cette question, les avis des personnes interrogées par le journaliste de CNN varient. Je vous en livre un plus intéressant que les autres. Une mère de famille admet qu’utiliser son téléphone la distrait parfois de son travail, ou même du visionnage d’un film. Mais, en comparaison des autres moyens de tuer le temps, elle voit là une bonne option. “Je me sens plus productive en lisant des trucs en ligne ou sur les réseaux sociaux comme Twitter ou Facebook qu’en restant assise à regarder la télé, explique-t-elle.”

Je me permets une remarque. Il me semble que c’est accorder beaucoup de crédit aux technos que de penser qu’elles tuent l’ennui, ou avoir une définition restreinte de ce que c’est que l’ennui. Je ne suis pas certain que l’ennui soit éliminé par l’activité. De même qu’on peut s’ennuyer en fumant une cigarette, les recherches menées par Mathieu Triclot sur les gamers tendent à montrer qu’on peut s’ennuyer en jouant (voir notamment Philosophie du jeu vidéo). Il serait même intéressant d’étudier l’ennui dans les réseaux. S’ennuyer sur Twitter, Facebook, ou dans une navigation hasardeuse peut être plus abyssale que rêvasser sur un banc la joue caressée par le soleil d’automne.

Xavier de la Porte

Source : InternetActu.net
http://www.internetactu.net
Débats, Recherche, Usages, Enjeux

Mise en ligne le 11 octobre 2012
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