Textes repères et études >> Textes repères

L’orthographe multimédia

Ce travail vise à opérer une comparaison entre 3 cédéroms d’apprentissage de l’orthographe. Il s’agira de déterminer comment un tel apprentissage peut être possible, en fonction non seulement du support spécifique utilisé mais aussi en fonction du contexte à la fois éditorial et scolaire dans lequel ces supports sont produits. La
démarche comparative adoptée doit permettre de repérer des constantes et des différences de niveau dans la mesure où les moyens éditoriaux mobilisés sont différents. Elle prend en compte des produits qui ont des caractéristiques éditoriales communes : ils sont tous les trois des produits grand public, destinés d’abord à être achetés par les familles, mais dont les prétentions scolaires sont évidentes. Ils se situent tous trois au même niveau scolaire : la fin de l’école élémentaire et le début du collège. Ils font également partie de ce qui peut être
défini comme « accompagnement scolaire », ce qui nous conduira à prendre en compte les rapports que ces titres peuvent entretenir avec cette catégorie de produits, en ligne ou hors ligne. Les différences repérables entre eux seront alors significatives des enjeux que peuvent représenter les produits multimédias d’accompagnement scolaire, enjeux concernant à la fois la réalisation des apprentissages et le problème de la relation au monde
de l’école.

Pourquoi l’orthographe ?

Formulons une première remarque préalable à propos du traitement multimédia de l’orthographe : à priori cette dernière ne semble pas particulièrement destinée à devenir un domaine favorable à un traitement de ce type. Quelles images peuvent bien être utilisées à son propos ? Et le son peut-il intervenir autrement que dans la fonction de dicter ? On dira que la grammaire ou la conjugaison pose le même type de problème. Mais justement, il n’existe guère de cédérom qui leur soit entièrement consacré et le traitement dont ces disciplines font l’objet dans les cédéroms généraux consiste en exercices plutôt austères, qui d’ailleurs peuvent, le plus souvent, être effectués sous la même forme simplement avec un crayon et du papier. Disons le tout de suite, s’il s’agit simplement à propos de l’orthographe de proposer un recueil de dictées, alors le livre remplit parfaitement cette fonction, sauf qu’il
faut quelqu’un qui dicte les textes, ce que l’ordinateur lui va pouvoir faire. Mais si on en reste là, est-ce que cela justifie la réalisation d’un programme multimédia ?

En second lieu, il faut remarquer que l’orthographe bénéficie dans le domaine de l’informatique d’une situation particulière du fait de l’existence des correcteurs orthographiques, qu’ils soient des logiciels à part entière, ou qu’ils soient intégrés à un traitement de texte. Ces correcteurs ont bien sûr une fonction d’aide concrète dans des situations de saisie de textes et non une fonction d’apprentissage. Cependant, ils permettent
de repérer les principes de fonctionnement que permet de mettre en oeuvre la numérisation des textes.
Le premier de ces principes consiste dans la confrontation du mot entré au clavier avec la collection de mots préalablement sélectionnés comme constituant le lexique de
référence du logiciel. De deux choses l’une alors :
- Ou bien, le mot est reconnu comme faisant partie, dans une graphie rigoureusement identique, du lexique et il est alors considéré comme étant orthographié correctement (ce qui pose quand même le problème des homonymes).
- Ou bien le mot tel qu’il est orthographié n’existe pas dans le lexique et il est alors signalé comme étant incorrect. (Ce qui cette fois pose au moins des problèmes d’accord et de formes conjuguées).
On sait que dans les correcteurs intégrés aux traitements de texte il existe une fonction « ajouter » qui consiste à compléter le lexique existant, par exemple en cas de mot
spécialisé ou nouveau. Cette remarque permet donc de définir le degré d’efficacité des correcteurs dans ce premier type de fonctionnement. Cette efficacité dépend de l’extension du lexique établi. Plus ce lexique sera large, plus la fiabilité du correcteur sera sûre. Mais en
tout état de cause, on peut dire que si le mot est reconnu, alors il est orthographié correctement, sauf erreur grammaticale et sauf cas d’homonymie. On pourrait par exemple s’amuser avec Word avec une phrase du type : je bois un verre de couleur verte en regardant vers la porte, que je peux orthographier « je bois un ver de couleur vers en regardant verre la porte », sans qu’aucune erreur ne soit signalée. Ou même si j’écris « je bois un ver de couleur vert en regardant ver la porte », il n’y a pas d’erreur repérée !

Le deuxième principe de fonctionnement de ces correcteurs est un principe de formulation d’hypothèse par rapport à une règle, on pourrait dire une hypothèse de nonrespect
de la règle. C’est le cas en ce qui concerne les accords et la conjugaison. L’efficacité ici est bien évidemment considérablement réduite dans la mesure où le logiciel va
fonctionner pour formuler son hypothèse d’erreur en fonction de la proximité des termes impliqués par la règle, par exemple le sujet et son verbe ou le déterminant et un nom.
Autre exemple : « Moi qui ai tant souffert à apprendre l’orthographe avec mon maître réussis parfaitement avec un cédérom ». Si j’écris « réussi » ou « réussit », Word ne trouve pas l’erreur. Il ne la trouve que si j’écris « je réussis ». On pourrait aussi trouver des formulations où l’hypothèse d’erreur se révèle fausse, en cas d’écriture correcte.
Ces remarques sur le fonctionnement des correcteurs nous seront utiles dans l’analyse du fonctionnement de nos cédéroms. Elles nous permettent d’ailleurs de formuler
quelques questions importantes. Dans le cas des dictées, fonctionnent-ils selon une modalité de repérage et de signalement des erreurs. Possèdent-ils un lexique de référence et quel rôle joue-t-il ? Les règles utilisées sont-elles formulées et comment ? Enfin, la dictée est-elle
l’exercice privilégié ? Nous propose-t-on autre chose pour apprendre l’orthographe et pour évaluer les compétences orthographiques ?

Présentation des cédéroms choisis :

20/20 en orthographe, éditions Club Pom, logiciel conseillé de 7 à 12 ans (du CE1 à la 6e).

Dictées de Rayman, Ubisoft, 4 CD (CE2, CM1, CM2, 6e).

L’orthographe c’est facile, Génération 5, 5 titres (du CP au CM2).

Un certain nombre de différences entre ces programmes sont à noter.

1- 20/20 est le seul qui ne fasse pas partie d’une série et qui s’adresse donc à des enfants d’âge différents et de niveaux de scolarité différents.

2- Génération 5 est un éditeur spécialisé dans des produits scolaires, destinés plus aux écoles et aux enseignants qu’aux familles. La forme du titre « L’orthographe c’est facile » est utilisée pour d’autres séries, par exemple « L’expression écrite c’est facile » etc.

3- Des trois, c’est sans contestation possible, le titre d’Ubisoft qui possède la plus grande notoriété auprès des élèves dans la mesure où le personnage de Rayman, repris d’un jeu de plate-forme qui existe aussi en version console (Playstation) fait partie des succès commerciaux du genre.

L’analyse des cédéroms

1 du point de vue de leur ergonomie

Ici nous prenons en compte la composition de la page d’accueil, les différents types de pages (rubriques) accessibles, les possibilités de navigation entre elles (par quelle commande sont-elles accessibles ?)
Ces titres peuvent être considérés comme représentatifs de 3 styles différents.

a) le style scolaire (l’orthographe c’est facile)
Description :
La page d’accueil est un menu général comportant
- la liste des domaines orthographiques pris en compte dans les exercices (et qui sert à classer ceux-ci)
- une barre d’icônes en haut comportant le niveau, la commande d’accès Aide et la commande Quitter
- une barre d’icônes en bas (options, bloc-notes, l’indication du nombre total de questions posées, l’indication de la réussite générale, bilan, aide pédagogique, rappels de cours).
Les pages exercices, qui sont de différents types : exercices à trous, mots à cliquer, recherche d’erreurs, associations...
La page bilan (imprimable) sous forme de tableau personnalisé et indiquant la note obtenue, le nombre de questions posées, le nombre d’aide sollicité et la progression.
Commentaire : tous les éléments présents sont issus du monde scolaire. La page bilan est une sorte de composé de feuille de notes et de bulletin. Les évaluations y sont chiffrées et sous forme de lettres.
Dans le programme, le seul élément d’animation est la présence du professeur « quisaittout », (un oeuf avec barbe, lunettes et longue baguette devant un tableau). Les
pages de cours ne comportent aucune « interactivité ». La musique et les bruitages sont réduits. La quasi-totalité des écrans est statique. Le seul élément dynamique réside dans un défilement de mots dans « le mot inconnu ».

b) le style ludique, 20/20 en orthographe
Présenté comme un jeu de l’oie, il s’agit plutôt du modèle du Trivial poursuit. Le jeu se joue donc plutôt à plusieurs. Pour avancer son pion il faut répondre aux questions-exercices. Celles-ci sont posées tout à fait au hasard. Pour savoir de quel domaine de la langue ou de
l’orthographe il s’agit, il faut cliquer sur l’aide (d’où la question : est-ce qu’elle permet à l’enfant qui y fait appel de mieux répondre ? En principe oui). En cas d’erreur, il est possible de corriger ses réponses, sauf lorsque l’on est sur une case permettant de gagner un des
objets. Quatre cases surprises permettent soit de rejouer, soit d’aller sur une case-objet, soit elle fait perdre un objet.
La dimension jeu de hasard est ici très forte. Il s’agit de progresser le plus vite possible vers les objets et les gagner. Bien sûr, pour gagner il faut résoudre correctement les problèmes orthographiques posés. Pour cela le joueur a tout son temps et même la possibilité de corriger les erreurs (leur nombre est indiqué). Mais l’aspect compétition est tel qu’il est clair que l’enfant répondra d’abord pour avancer dans le jeu et distancer ses
adversaires plutôt que pour apprendre l’orthographe. D’ailleurs le niveau de difficulté des questions est variable. Ce qui peut renforcer dans certains cas la tentation de répondre au hasard (c’est surtout possible en cas de choix multiples mais limités en nombre). De toute
façon, il n’y a aucune façon pour le joueur de savoir dans quel domaine il réussit et ceux dans lesquels il a échoué.

c) Le style environnement scénarisé.( Les dictées de Rayman.)
Le personnage de Rayman est une « star » des jeux vidéo, sur console et sur ordinateur. Il en est à sa deuxième version, sortie en octobre 99. Il est utilisé également pour « présenter » une des gammes d’accompagnement scolaire de la société Ubisoft, en concurrence, ou en complémentarité de la gamme Tim 7, qui s’adresse pratiquement à la même classe d’âge. Ici on a d’ailleurs une situation originale puisque le scénario propre aux
titres sur les dictées utilise les personnages présents dans Tim 7, à l’exception de ce dernier.

Un environnement dans un cédérom d’accompagnement scolaire joue plusieurs rôles :
- il constitue le lieu de référence qui sert à la fois d’accueil et de page de sommaire (home page dans un site web), créant ainsi un univers avec ses caractéristiques
plastiques propres, et permettant de façon immédiate la navigation dans le programme.
- Il établit la possibilité d’une personnalisation de l’utilisation du programme. L’enfant est invité à s’inscrire, en tapant son nom, voire son âge et son niveau scolaire. Le personnage central du titre pourra alors s’adresser directement et personnellement à lui. Ce personnage a un rôle tout à fait essentiel. Au niveau du
programme, il remplit une fonction d’aide. Au niveau scolaire, il sert d’encouragement (de stimulant) et d’évaluateur. Le scénario quant à lui transforme le programme en un jeu d’aventure, avec sa mission à accomplir et sa promesse de récompense en cas de succès.
Le scénario des dictées de Rayman est le suivant :
Rayman sirote tranquillement une limonade dans sa chambre quand soudain, la sorcière Clara apparaît dans un grand fracas avec une drôle de machine : le Télévox. En regardant
dans la lunette magique, Rayman aperçoit les habitants de l’île Amnésia figés dans la glace ! Clara, affolée, explique à Rayman la terrible aventure : Tim 7, qui s’est finalement échappé de l’île, a enregistré ses mémoires sur le Télévox. Malheureusement, les habitants de l’île se
sont arraché le Télévox et l’ont cassé ! Les textes et dessins faits par Tim 7 ont tous disparu... Seules les voix enregistrées sont restées intactes. Clara supplie alors Rayman de l’aider : « Rayman, aide-nous à réécrire les textes ! » Les différentes séries d’exercices s’inscriront alors dans ce scénario. De façon très
classique, le fait de réussir permet de se rapprocher de l’issue victorieuse.
L’utilisateur du programme est d’abord un joueur. Mais pour réussir dans le jeu, il faut qu’il devienne un élève, et même plus précisément, un bon élève.
Les différences entre ces 3 types de programme sont significatives de la façon dont le multimédia éducatif entend se situer par rapport au monde de l’école, à la scolarisation des enfants et à la réalisation des apprentissages qu’ils sont sensés y faire.
Dans un premier cas, l’enfant est immergé dans le scolaire, totalement et exclusivement. Il ne peut utiliser le programme que pour apprendre. Le divertissement en est
exclu. La distinction traditionnelle entre le jeu et le travail est respectée, même si la forme des exercices, qui peut être plus ou moins active, met l’enfant en situation de manipulation qui peut avoir une « coloration ludique ».
Dans le second cas, le scolaire est inséré dans le ludique . L’enfant se voit proposé d’abord de jouer, l’astuce ou le leurre étant que la réussite dans le jeu demande la maîtrise de données scolaires. L’enfant est-il dupe du marché ? La question je crois mérite d’être
posée et pourrait faire l’objet d’une enquête intéressante sur les représentations que se font les enfants du multimédia d’accompagnement scolaire. Car c’est bien d’un marché qu’il s’agit, marché qui revêt des formes multiples en fonction de la stratégie même du programme :
1) si tu travailles bien, tu apprendras l’orthographe et tu réussiras à l’école.
2) si tu travailles bien, le programme t’offrira en récompense la possibilité de jouer.
3) Si tu travailles bien, tu réussiras dans le jeu qui t’est proposé.
On le voit, la perspective d’acquisition de compétences est totalement absente des deux
dernières solutions. Cela, bien sûr, ne peut pas ne pas avoir de répercussions sur les
apprentissages.

2 du point de vue des situations d’apprentissage proposées.

Les situations d’apprentissage proposées dans les cédéroms étudiées sont au nombre
de trois :

- des exercices.

- des leçons.

- des situations de correction des erreurs et d’évaluation.

Les exercices.

Pour aborder concrètement cette question des apprentissages à propos des exercices, la question que je vais maintenant essayer d’éclairer est la suivante : que faut-il faire dans le programme pour être supposé apprendre l’orthographe ? Quelles sont les actions
demandées ? En quoi utilisent-elles la spécificité du multimédia ?
La situation la plus courante de l’orthographe scolaire est l’écriture (texte dicté ou texte créé). Mais en situation d’apprentissage, ce n’est pas la seule, même si elle est largement dominante. Cependant mon hypothèse est que le recours à l’informatique et au multimédia renouvelle les situations de manipulation de l’écrit, mots, phrases ou textes. Les exercices papier-crayon fonctionnent toujours en demandant d’écrire. Le multimédia peut-il proposer autre chose et est-ce que cela change fondamentalement le sens de l’activité ?

Relevé des actions proposées aux utilisateurs

Taper un mot au clavier C.
Taper des mots sous la dictée C.
Déplacer une étiquette S.
Ajouter une lettre à un mot C.
Taper des mots contenant un son C.
Cliquer dans une phrase un mot mal orthographié S et
l’écrire correctement C.
Déplacer une étiquette S Choix.
Déplacer des étiquettes S.
Ecrire un mot manquant dans une phrase après avoir
visualisé une liste défilante dans un bandeau plus ou
moins rapidement C.
Cliquer sur la bonne solution S Choix.
Répondre par oui ou par non S Choix.
Cliquer la bonne réponse S Choix.
Cocher les bonnes solutions S Choix.
Sélectionner un mot dans une liste S Choix.
Souligner des mots S Choix.
Déplacer une lettre S.
Cliquer le mot adéquat S.

Note : C ou S indique l’utilisation du clavier ou de la souris ; Choix indique les exercices où
un choix de réponses (en général de 2 à 4) est proposé, par opposition à la situation où
l’utilisateur doit « inventer la réponse ».

Sous réserve de l’exhaustivité de ces relevés, que peut-on conclure ?
La très grande majorité des actions opérées par l’utilisateur du programme sont des reprises
d’actions présentes dans les exercices classiques, c’est-à-dire qui peuvent être effectuées sans ordinateur, avec un papier et un crayon dans une situation d’autonomie.
A noter cependant deux exceptions : 1) dans l’orthographe c’est facile « le mot inconnu » et 2) dans les dictées de Rayman, « le débruiteur ».
Le premier de ces exemples fait intervenir une image animée ; le second a recours au son.
Mais pour le reste, l’utilisation du clavier s’inscrit dans une pratique d’écrit et celle de la souris se limite à remplacer le crayon qui souligne ou qui coche, et dans le cas des étiquettes, elle effectue simplement plus rapidement ce qu’il est possible de faire avec des
ciseaux et de la colle.
S’il y a une spécificité du multimédia dans la réalisation d’apprentissages, elle réside très peu dans la nature des exercices proposés et dans les actions demandées aux élèves
dans ces exercices. En est-il de même dans les deux autres éléments constitutifs des programmes étudiés : les processus d’aide et les processus d’évaluation ?

Les leçons

Elles interviennent comme des processus d’aide, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas séparées des exercices, qu’elles servent à préparer ou à garantir ou rendre possible sa réussite pendant son déroulement. C’est pourquoi elles peuvent intervenir, soit a priori (avant l’exercice consacré à une difficulté orthographique), soit a posteriori lorsque l’exercice (ou une de ses parties) n’a pas été effectué correctement, soit même pendant l’exercice sous une forme réduite et résumée. Dans tous les cas il s’agit de proposer des données informatives relatives aux domaines ou difficultés orthographiques étudiées. Lorsqu’elles sont a priori, elles s’inscrivent dans un dispositif explication-application ; lorsqu’elles sont a posteriori, le dispositif est de vérification-correction. Dans les deux cas, elles interviennent
toujours à la demande, sans doute pour laisser une place importante à l’initiative de l’élève.
(Il y a pourtant des programmes d’accompagnement scolaire qui les imposent avant tout autre activité par exemple Graine de génie). Mais l’important c’est que les leçons ne sont pas isolées de l’action ou de l’activité orthographique elle-même.

Les évaluations

Elles prennent deux formes :
- les bilans synthétiques
- la correction des erreurs

La correction des erreurs. Dans les programmes d’orthographe étudiés elle se présente différemment, selon
l’activité dans laquelle elle intervient : les exercices ou les dictées.
Dans les exercices, le logiciel repère les erreurs et les signale à l’utilisateur (par exemple en rayant la réponse en rouge (Rayman) ou en écrivant en rouge la réponse
erronée (C’est facile, 20/20). La question est alors de savoir comment l’erreur est rectifiée.
Par le logiciel ou par l’utilisateur. Dans l’Orthographe c’est facile, et dans Rayman la bonne réponse vient simplement se substituer à l’erreur. Dans 20/20, il est laissé une possibilité à l’utilisateur de corriger lui-même, après quoi la bonne solution est donnée. Mais dans tous les cas, on peut dire que l’élève n’est pas mis en situation d’élaborer lui-même la solution.
On retrouve donc ici ce qui constitue la pratique la plus classique de l’évaluation qui consiste à opposer la bonne réponse à la fausse. « ce que tu as écrit est faux, voici ce qui est juste et que tu aurais dû écrire »
Dans le cas des dictées, on a affaire à un autre dispositif, que le titre d’Ubi Soft exploite systématiquement, ce qui fait d’ailleurs sa grande originalité.
Ce dispositif peut se résumer comme étant un repérage des erreurs et une offre adéquate de ressources pour sa correction par l’enfant lui-même .
En premier lieu donc, le signalement de l’erreur n’est pas opéré immédiatement par l’ordinateur, comme c’est le cas dans les correcteurs orthographique. Il faut que l’enfant
demande quels sont les mots mal orthographiés pour que le logiciel les surligne. Cette possibilité « d’indication de correction à effectuer » n’est donc ni systématique, ni première. Car elle est précédée de l’indication quantitative de l’existence d’erreurs (confrontation
du nombre de mots tapés et du nombre de mots correctement orthographiés).
En second lieu, la visée d’apprentissage qui existe ici (contrairement au correcteur orthographique utilisé dans son contexte courant) se traduit par le fait que l’erreur signalée n’est pas corrigée : il n’y a pas de propositions de correction. La correction doit être effectuée par l’enfant lui-même. Pour cela le programme vise à le
mettre en situation d’analyser son écrit. Cela implique pour l’utilisateur deux processus :(ce qui constitue à proprement parler la possibilité d’autocorrection).
1) déterminer en quoi un mot est signalé comme étant incorrect, (par exemple s’il s’agit d’une simple faute de frappe). Bien sûr, cette possibilité de relecture peut très bien ne pas être utilisée par l’enfant mais ce qui est important, c’est qu’elle existe car elle n’existe pas
toujours et en particulier dans les exercices présents dans les programmes étudiés. Si elle n’existe pas, alors c’est le sens même du programme, en tant qu’il constitue une situation d’apprentissage, qui est profondément modifié.
On voit par là en quoi l’analyse de ce qu’offre le programme, de ses dispositifs d’apprentissage, est indispensable pour comprendre la portée qu’il peut avoir en tant que situation d’apprentissage. Reste bien sûr que cette première perspective d’étude doit être complétée par une série d’observation de l’usage qu’en font les enfants, pour déterminer en particulier s’ils peuvent compenser un manque du programme et comment, s’ils peuvent en détourner le mode d’utilisation prévu et officialisé par les consignes. Mais là aussi le repérage rigoureux des fonctionnalités du programme est indispensable, ainsi que leur évaluation pédagogique !
1) demander une aide si nécessaire. Aide qui, bien sûr, n’est pas la résolution du problème, mais consiste à ouvrir des pistes pour mettre l’enfant en situation d’arriver lui-même à la solution. L’intérêt du programme réside alors dans la variété de ces pistes, mais
aussi dans leur adéquation au type d’erreur commise. Et là c’est beaucoup plus compliqué. Il y a en effet des programmes qui se contentent de répéter à chaque erreur le
même « slogan », exemple : « il semble que la fin du mot ne soit pas écrite correctement » ce qui revient à toujours simplement demander à l’enfant d’être attentif et de revoir ce qu’il a écrit.
La concordance entre l’aide proposée et l’erreur commise est ici mise en oeuvre de plusieurs façons :
- D’abord, le nombre de pistes offertes n’est pas toujours le même.
- En second lieu, il y a une gradation dans le type d’aide proposé : l’utilisation du lexique par exemple n’est proposée qu’en dernier secours. et l’on va toujours de
ce qui demande le plus de réflexion de la part de l’enfant à ce qui en demande le moins.
- Ensuite, il faut noter que dans chaque cas la correction doit être effectuée matériellement par l’enfant, ce qui peut paraître une évidence mais il faut bien constater que là aussi, il existe des situations dans les titres étudiés où c’est le logiciel lui-même qui « écrit » le mot correct.
- Enfin, l’autocorrection ouvre toujours sur la possibilité d’un travail complémentaire, nouveaux exercices ou accès à un cours.

CONCLUSION

Tout ceci conduit à formuler ce qui semble constituer le point d’aboutissement du fonctionnement du logiciel : un principe d’isomorphie entre le fonctionnement du
programme et son utilisation en situation d’apprentissage. Le programme met en oeuvre avec ses moyens propres ce qu’il vise à faire effectuer par l’élève et qui est indispensable pour l’effectuation de l’apprentissage. Dans Les dictées de Rayman ce principe se concrétise dans l’analyse des erreurs des élèves.
Au niveau du programme une telle analyse est indispensable pour pouvoir proposer des pistes et des aides adaptées pour chaque situation d’erreur. Elle n’est possible qu’à
partir d’une typologie générale des erreurs les plus fréquentes à un âge donné, elle-même construite à partir d’une analyse préalable des difficultés orthographiques de la langue française. Elle est concrétisée dans le programme sous la forme d’un outil spécifique,
l’analyseur, qui applique la typologie en question aux performances de l’élève.
Au niveau de l’apprentissage, l’analyse des erreurs, comme condition de possibilité de l’apprentissage de l’orthographe, revêt trois aspects complémentaires :
1 identifier les erreurs commises,
2 les référer à une difficulté orthographique préalablement identifiée,
3 disposer de l’information nécessaire à la rectification.
Le logiciel peut conduire l’élève à effectuer cette démarche parce qu’il la met luimême à l’oeuvre. Il montre en quoi elle consiste et à quoi elle aboutit. En ce sens on pourrait dire que le multimédia n’est plus simplement un outil qui permet d’orthographier correctement, il devient un instrument qui permet de construire une démarche d’accès à l’orthographe correcte .

Jean Pierre Carrier

Mise en ligne le 28 avril 2006
Retour Haut de page

RECHERCHE

  • Recherche avec Spip


>> Faire une recherche Qwant

  • Ressources des Ceméa : Activités autour des médias et du numérique et l’Univers Comprendre : Médias, numérique, éducation et citoyenneté
  • (...) Voir le site

site du festival d'Éducation
Site du festival du film d'Éducation

EVENEMENT
  • • Les clés des médias, une série de programmes courts pour comprendre les médias
    11 décembre 2018

  • • Les Ceméa sont associés à France-Fraternités
    12 décembre 2018

  • • Résultats de l’enquête 2018 de l’oservatoire des pratiques numériques de jeunes en Normandie
    24 janvier 2019

  • DERNIERS ARTICLES
    Follow cemeaeejm on Twitter
  • • Faire le numérique avec tous !
    15 décembre 2021

  • • Vie privée : Où sont les régulateurs ? Où sont les régulations ?
    23 décembre 2020

  • • Intelligence artificielle : des limites de l’éthique aux promesses de la régulation
    11 décembre 2020

  • • Attention et société
    11 décembre 2020

  • • Journée d’étude : Education au monde numérique et RGPD
    27 novembre 2020

  • • Présentation des ressources éducation aux médias des Ceméa
    17 septembre 2020

  • • RESOLU, un guide pour des pratiques éthiques du numérique
    30 juin 2020

  • • Stopcovid l’appli de trop !
    24 avril 2020

  • • Le rapport annuel 2020 de l’ODI est paru !
    20 avril 2020

  • • Et si c’était le moment de libérer vos outils...
    23 mars 2020

  • • Construire des politiques publiques cohérentes pour la petite enfance et renforcer l’offre d’activités alternatives aux écrans, gratuites et sécures
    22 novembre 2019

  • • Résultats d’une étude sur les relations affectives des adolescents et les réseaux socio-numériques
    31 octobre 2019

  • • Dénonciation d’une initiative cynique, « mes-allocs.fr »
    9 septembre 2019

  • • Oui à un Conseil de déontologie journalistique et de médiation, non à un Conseil de l’ordre !
    27 juin 2019

  • • Le Conseil de déontologie journalistique et de médiation en bonne voie
    18 juin 2019

  • • Le film L’heure de la sortie, Prix Jean Renoir des lycéens 2019
    12 mai 2019

  • • Le Collectif Enjeux e-médias réagit à l’appel des 3 académies sur l’enfant, l’adolescent, la famille et les écrans
    26 avril 2019

  • • Etre citoyen dans la société numérique
    5 avril 2019

  • • Le rapport annuel 2019 de l’Observatoire de la déontologie de l’information
    27 mars 2019

  • • Le guide numéro 2 de La famille tout écran, une nouvelle édition !
    27 février 2019

  • • Combattre les préjugés sur les réseaux sociaux
    25 février 2019

  • • Ce qu’est un Conseil de presse !
    18 février 2019