Le multimédia peut-il devenir un outil indispensable dans les actions d’éducation aux médias ? La production actuelle peut le laisser espérer. Mais l’essentiel dans l’avenir sera de ne pas en rester aux bases de données axées sur la connaissance, et de proposer de véritables situations de manipulation, de même de création. Les moyens disponibles le rendent dès aujourd’hui possible.
Les premiers cédéroms consacrés à la connaissance des médias ont opté pour une entrée historique. Dans le domaine du cinéma, il était très tentant et très facile de mettre à disposition des passionnés un ensemble de fiches présentant la filmographie des cinéastes et des acteurs, le générique des films ou le palmarès complet des différents festivals, comparés à la listes des oscars et des césars, comme cela n’a pas manqué d’être le cas dans plusieurs publications à l’occasion du 50e festival de Cannes. Et il est tout à fait possible de donner à ces connaissances un côté vivant, à coup de photos et d’extraits de films en recherchant aussi l’insolite ou l’anecdote ou, plus sérieusement, en peaufinant les liens hypertextuels.
Le musée et le studio
La connaissance des médias sur cédéroms prend ainsi toujours un petit air de musée, par fascination du passé sans doute mais aussi parce que cela est un très bon moyen pour se construire une légitimité qui n’est jamais acquise d’avance. Les auteurs de Cyberpub l’ont d’ailleurs bien compris, puisqu’ils ont créé de toutes pièces un musée de la publicité entièrement virtuel directement inspiré du Guggenheim new Yorkais, et qui doit permettre d’approcher ce que la création a fait de mieux en ce domaine, depuis les premières réclames jusqu’aux campagnes politiques non diffusées de Jacques Séguéla. Grâce au procédé Quick Time VR, le visiteur peut déambuler dans une multitude de salles consacrées aux marques les plus connues, s’arrêter sur l’un d’elles pour examiner en détails les productions et compléter son information sur les agences et les publicitaires concernés. Le tout donne, un côté vivant à la pratique de connaissance, d’autant plus que le musée en question est suffisamment vaste et sinueux pour qu’on ait toutes les chances de s’y perdre.
L’histoire ne peut cependant pas constituer le seul domaine de connaissance des médias. Un programme d’éducation cohérent se doit aussi de les approcher dans leur dimension économique, institutionnelle, politique, sociale, culturelle... Vastes contenus que le multimédia est loin pour l’instant de réussir à prendre en compte avec un tant soit peu d’exhaustivité. Pour le cinéma toujours, une approche par les métiers, comme c’est le cas dans Ciné Studio, peut se révéler particulièrement efficace. Comme l’indique le titre même de ce double cédérom, nous pénétrons dans un studio de cinéma virtuel mais pour y voir un film bien réel, puisqu’il peut être visionné dans son entier. Nous rencontrons alors le réalisateur, le chef opérateur, le cadreur, etc et nous dialoguons avec eux. Le procédé est tout à fait adéquat à l’objectif suivi, appréhender la réalité cinématographique de l’intérieur.
Manipuler pour comprendre
Côté manipulation, Ciné Studio peut être considéré comme la réussite la plus aboutie jusqu’à présent, ce qui montre bien d’ailleurs que le cinéma reste encore aujourd’hui la référence tant au niveau théorique qu’en ce qui concerne l’élaboration d’outils concrets de formation. Car c’est bien de cela qu’il s’agit essentiellement : fournir des situations qui soient déjà des situations de formation à l’ensemble des questions que peut soulever l’expression cinématographique, du langage de l’image et de ses codes aux problèmes particuliers d’éclairage, de mixage, de décors ou même de maquillage et de jeu des acteurs. Bref, on a là l’exemple type de ce que peut offrir le multimédia : être à la fois un outil d’autoformation mais aussi une mine d’exercices pratiques pouvant prendre place dans un projet systématisé d’éducation aux médias en direction d’élèves de niveaux très différents. Et puisque l’ordinateur met de plus en plus à la portée de tous ses possibilités de traiter les images et les sons à volonté, et même d’en créer de toutes pièces, il serait bien décevant de devoir se passer de tels outils dans les actions de formation, faute de pouvoir disposer de programmes conçus dans cette direction.
Références :
Ciné Studio, Averia Ceméa Edition Profils
Cyber pub, Hachette Filipacchi Grolier
Festival de Cannes, Index+Télérama
Jean-Pierre Carrier
Vers l’Education Nouvelle, n°482, Novembre 1997