dès l’age de 5 ans
290 frs environ
Le multimédia des tout-petits n’a pas échappé à la tentation de reproduire le livre à l’écran. Il le donne donc tout simplement à lire, en matérialisant la vision des pages, en offrant la possibilité de les tourner une à une, en cliquant en bas à droite, ou d’aller directement au chapitre voulu en choisissant dans le sommaire. Il n’y a donc qu’à lire, ou bien, pour les plus jeunes ou les plus paresseux, qu’à écouter l’histoire racontée. Le Livre de Lulu représente parfaitement cette perspective. Comme son nom l’indique, il s’agit bien d’un livre. D’un livre avec une histoire, une histoire toute simple, mêlant adroitement une certaine nostalgie rétro (la princesse et son château) à une thématique classique de science-fiction représentée par le robot. Un livre en somme comme il doit en exister sur les rayons de bibliothèque.
La dimension multimédia du programme est tout entière dévolue à l’introduction d’animations visuelles et sonores. Le principe d’accès utilisé ici est tout simple et fait déjà figure de classique dans ce type de produit. Il suffit de cliquer sur une image pour qu’elle s’anime, la donnant à voir le plus souvent en plein écran et déclenchant des séquences enregistrées qui ici ont le grand mérite d’êtres en vidéo et d’une grande qualité plastique. Comme il s’agit d’un livre, le même principe est utilisé à propos de l’écrit. Dans certaine page, c’est en cliquant sur les mots que l’on déclenchera les animations, ce que l’enfant pourra faire au hasard, mais aussi en réfléchissant sur ce que le sens désigne comme pouvant tout naturellement remplir cette fonction. Ainsi peut s’organiser un cheminement dans l’histoire fait de va et vient entre le texte, les images et les animations sonores, elles aussi très riches et très stimulantes pour l’imagination. L’enfant pourra ainsi faire répéter à volonté les mêmes gestes à l’héroïne, à moins que l’action ne soit irréversible, comme le ballon qui casse le carreau de fenêtre, alors elle ne peut pas être reproduite. Petit détail certes, mais qui montre bien la précision avec laquelle l’ensemble est réalisé.
On peut penser que ces cheminements non linéaires dans le récit ne peuvent être pertinents qu’après avoir saisi le sens global de l’histoire et donc qu’après en avoir fait une lecture complète. Sans doute est-il nécessaire “pour comprendre” la suite de commencer par le début, de faire connaissance avec le personnage de Lulu et d’être informé sur les circonstances de l’arrivée du robot. Mais cela ne veut pas dire que le programme impose deux sortes de lecture qui devraient nécessairement se succéder. Une lecture linéaire d’abord et ensuite, comme un plaisir qui vient en plus mais qui ne change rien au fond de l’histoire elle-même, la lecture discontinue que permet et même préconise le multimédia. En fait, la structure toute simple du récit, faite dans sa partie centrale (l’exploration de la planète) d’emboîtements successifs, permet de pouvoir choisir à sa guise entre les deux modalités, sans que l’accès au sens en soit compromis. Bien plus qu’une simple illustration d’un texte par des images et des sons, ce titre est donc une véritable mise en perspective de l’activité même de lecture. C’est ce qui en fait tout le prix.
Jean-Pierre Carrier
In Zapp ! n°19, Janvier 1998