Adibou a un cousin, Adiboud’chou, plus petit que lui, mais qui lui ressemble terriblement, comme les programmes qu’ils nous présentent l’un et l’autre. Car c’est visible du premier coup d’œil, Coktel joue parfaitement la carte de la série. Si l’enfant découvre Adiboud’chou dès 2 ans, il faut tout faire pour qu’il suive la collection avec Adibou à l’âge de la maternelle, et plus tard avec Adi à l’école élémentaire et si possible jusqu’au collège. Certes il ne sera pas dépaysé, tant les transitions sont peu perceptibles et les évolutions nécessaires du fait de l’âge sans bouleversement. Mais l’attrait de la nouveauté n’étant pas vraiment au rendez-vous, l’enfant puis l’ado ne finiront-ils pas à aller chercher ailleurs de quoi assouvir ce plaisir des jeux vidéo que cette collection sait parfaitement utiliser et donc contribuer dès le plus jeune âge à faire naître et développer.
La règle des séries impose de donner la plus grande unité possible aux produits, que ce soit dans le ton ou leur facture générale. Et en effet on retrouve dans les deux titres d’Adiboud’chou (à la campagne et à la mer) les marques de fabrique qui caractérisent la suite de la collection. D’abord dans la présentation du programme et la relation à l’utilisateur. Dès l’écran d’accueil, l’enfant doit s’identifier, choisir son animal favori, donner son âge et écrire son prénom, ou plus exactement le faire écrire par ses parents ou par plus grand que lui. Adiboud’chou devient ainsi ce copain à la bonne humeur indestructible qui encourage, sollicite, félicite et souvent s’auto-congratule. « Ce jeu était vraiment super », « je pense qu’on va bien s’amuser », sont deux de ses expressions favorites. Comme toujours dans ce type de produit, la dimension ludique est systématiquement mise en avant. Et les animations soulignant la réussite dans la réalisation des activités sont là aussi au rendez-vous. À l’évidence elles plaisent aux enfants. Du moins lorsqu’elles ne se reproduisent pas trop systématiquement à l’identique, même si pour les petits la répétition n’est jamais aussi vite un facteur d’ennui que pour les adultes.
Donc tout est fait pour que l’enfant s’attache à son programme, et pour cela il faut que ce dernier lui devienne le plus rapidement possible tout à fait familier et donc qu’il l’utilise le plus souvent possible. On comprend dès lors qu’il ne faille surtout pas le décourager par des activités trop difficiles, mal présentées ou qui risqueraient de le mettre trop souvent en situation d’échec. Il y a dans Adiboud’chou un effort constant, et souvent réussi, pour mettre la pratique de l’ordinateur et la réalisation des activités à portée des plus petits. Ainsi en cas d’erreur, la bonne réponse est clairement montrée à l’enfant, mais c’est lui qui doit cliquer pour la réaliser. Le programme propose dans les activités de « l’atelier de découvertes » trois niveaux de difficulté. Mais ce n’est pas l’enfant, ou l’adulte qui l’aide ou le surveille, qui choisit. On commence toujours par le niveau le plus simple, une première série d’exercices servant en quelque sorte d’entraînement. Puis on passe de niveau en niveau en fonction des réussites de l’utilisateur. La progression est ainsi particulièrement régulière et continue. Il s’agit évidemment de faire que l’enfant ne soit pas rebuté par la difficulté, alors on l’amène pas à pas au niveau le plus complexe. S’il a su faire l’activité précédante, il n’y a pas de raison qu’il échoue à la suivante, qui sera de toute façon identique ou la plus proche possible d’elle. Le changement de niveau implique certes un changement de consignes ou l’ajout d’un élément nouveau dans la même consigne. Mais la tâche proposée demande toujours la même activité pour sa réalisation. Ainsi l’enfant a-t-il toutes les chances de franchir les étapes sans s’apercevoir qu’il progresse. Ce qui est quand même un peu dommage du point de vue de la possibilité d’expliciter, ou prendre conscience de la compétence travaillée. Comme dans beaucoup de titres d’accompagnement scolaire, il suffit de faire pour être sensé acquérir. Le problème du transfert des compétences n’est jamais posé. Pourront-elles être utilisées dans des situations nouvelles, différentes de celles dans lesquelles elles sont acquises ? Le changement de niveau n’introduit jamais cette dimension. D’ailleurs on donne que bien rarement à l’enfant des indications sur l’utilité que pourra avoir pour lui son travail. Mais, de toute façon, le mot travail n’est jamais prononcé. Et rester dans le domaine du jeu a alors l’avantage de réduire le niveau d’exigence...
Côté contenus, Adiboud’chou se devait de faire dans la simplicité. À ce niveau, pas de problème, même si cela implique que les tâches proposées ne soient pas vraiment innovantes. Deux domaines d’activités sont offerts aux enfants. Dans le coffre à jouet, des puzzles, des coloriages, des comptines et un loto sonore où il faut associer un son avec une image. Dans le titre sur la campagne enfin, on se retrouve effectivement dans la nature, au milieu des fleurs et des animaux. Mais la « découverte du monde » annoncée par la présentation du programme reste assez restreinte. Certes, il est difficile de prétendre viser l’acquisition d’un véritable esprit scientifique dès deux ans, mais en rester à la seule dénomination de certains animaux est quand même un peu limité. À vouloir faire simple il est clair qu’on n’échappe pas toujours au risque de tomber dans le simplisme.
Jean Pierre Carrier