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On va où, les enfants ? Où la société mène-t-elle ses enfants ?

A l’occasion de leur dixième anniversaire, A Serres et les éditions Rue du Monde avaient convié P. Meirieu, F. Place, R. Renucci, J.G. Carasso à prendre la parole sur cette question de la place de l’enfant dans la société. Une initiative peu banale de la part d’un acteur de la littérature jeunesse, qui marquait bien à cette occasion son engagement aux côtés des acteurs et militants de l’action culturelle et des mouvements d’éducation populaire pour une vraie éducation culturelle et artistique des enfants et des jeunes. Cela se passait le mois dernier au salon du livre de jeunesse à Montreuil.
Grande est en effet aujourd’hui la responsabilité des éditeurs jeunesse dans leur choix de création et dans leur rôle de transmission de valeurs, quels que soient leurs supports de diffusion. Dans une société où les œuvres et les produits se confondent, où certains médias et instruments de la culture dominante visent principalement à confisquer l’imaginaire au profit du spectaculaire marchand ; peu nombreux sont les créateurs et éditeurs engagés dans un projet éditorial et artistique délibérément orienté vers une autre éthique de l’éducation et de l’enfant.
Lutter contre l’infantilisme, ou participer à l’infantilisation de la société, l’enjeu est bien sûr politique. Pour les éducateurs que nous sommes, il s’agit aujourd’hui de réhabiliter l’enfance, les valeurs de l’enfance si chères à l’éducation nouvelle, et cela passe entre autre par la possibilité pour les enfants d’accéder au symbolique, grâce à des livres, des dvd, des œuvres multimédias de qualité.
Et la lecture, là encore est au centre de ces enjeux éducatifs et culturels et plus seulement à cause de conflits de méthodes d’apprentissage. Savoir lire constitue plus que jamais un indispensable moyen d’accès aux savoirs et à la rêverie, ainsi qu’aux autres pratiques culturelles. Et l’acte de lire reste un réflexe à cultiver chez chacun dés le plus jeune âge autant pour la quête de soi que pour la découverte de l’univers. Certes ! Mais cette indispensable maîtrise de la pratique de la lecture sous toutes ses formes, non pas seulement de tête ou à voix basse, mais aussi à voix haute et à haute voix, pour proférer et donner à entendre un texte, il conviendrait qu’elle soit d’abord acquise par les éducateurs eux-mêmes et en premier lieu les enseignants. On peut avoir quelques doutes sur la place faite dans la plupart des situations d’enseignement à la lecture à haute voix d’un énoncé, à la profération d’un texte, au contage, à la pratique d’orateur ou à la culture de l’éloquence dans la déclamation d’une œuvre artistique. Parce que les IUFM n’ont pas formé les enseignants à ces pratiques. Qu’en sera-t-il, si des réformes radicales ne sont pas prises d’urgence, pour les jeunes d’aujourd’hui non lecteurs et quasiment dépourvus d’éducation culturelle et artistique qui se destineront dans quelques années à devenir enseignants ?

Bertrand Chavaroche et Christian Gautellier

Mise en ligne le 5 décembre 2006

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