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Textes repères
Les guides DADA MEDIA
La société Dada Media est connue pour produire des cédéroms à destination des jeunes enfants particulièrement originaux, et donc étonnants, surprenants, voire dérangeants pour pas mal d’adultes, surtout s’ils n’ont pas une pratique très fréquente des œuvres multimédias. Parmi ces productions, les plus connues sont sans doute les adaptations des albums de l’auteure tchèque Kveta Pacovska, Le Théâtre de Minuit et Alphabet, à quoi il faut ajouter Minuit Fantôme et Récréation Fantôme d’après les livres de Jacques Duquesnnoy. Enfin Dada Media propose deux autres titres, Images à jouer et Domicile d’Ange Heureux. Des guides de navigation multimédia. Première intention de ces guides : l’aide à la navigation. Ce qui signifie clairement que dans ces titres celle-ci est peu aisée et n’est jamais immédiatement maîtrisée. Le Théâtre de Minuit et Alphabet surtout sont des œuvres particulièrement originales, riches en surprises et en création visuelle et sonore. C’est dire qu’elles fonctionnent différemment de la plupart des titres figurant sur le marché du multimédia. Leur découverte et leur prise en main demandent de l’effort et de la persévérance. Il faut entrer dans le fonctionnement du titre. Ne pas se laisser rebuter par le côté a priori incompréhensible de ce qui se passe sur l’écran. Au sens propre, il faut apprivoiser l’œuvre. Beaucoup d’adultes, même parmi les enseignants, n’ont pas cette tournure d’esprit. Surtout ceux qui sont habitués à ne faire fonctionner une « machine » qu’à partir de son mode d’emploi. Ici le cédérom ne donne aucune indication sur la façon d’utiliser la souris ou le clavier. Il faut découvrir par soi-même comment on passe d’un écran à l’autre. Et surtout il faut accepter d’être mené par le hasard. Bien sûr, Il est possible de découvrir petit à petit certaines des commandes de navigation. Par exemple, dans le Théâtre de Minuit, la transformation du curseur en lune, ce qui permet au clic de lancer le changement d’écran. Mais rien ne dit si ce qu’il faut faire sur le reste de l’écran c’est cliquer ou simplement survoler les différentes parties de l’image. Certes, le livret figurant dans le coffret du cédérom donne des indications sur ces manipulations. Mais même s’il est consulté, le mystère du fonctionnement reste en grande partie entier. Et c’est tant mieux ! Car dans le fond, le plaisir que peuvent fournir ces titres, c’est justement celui de la découverte progressive de son contenu, en étant attentif aux variations produites par les actions effectuées tout en restant ouvert aux surprises. Bien des ressources du programme ne se révèleront vraiment qu’au deuxième ou au troisième retour au même écran. Il faut alors accepter de reconnaître que précédemment on n’avait pas compris, ou qu’on n’avait pas été assez patient pour découvrir ce qui était bien caché. Encore une fois, le plaisir de la manipulation de ces titres doit se mériter et n’est jamais offert à ceux qui demandent de tout comprendre dans l’instant, ou qui restent indifférents aux premières variations apparaissant sur l’écran, souvent de façon bien rapide et fugace d’ailleurs. Le Théâtre de Minuit et Alphabet Le Théâtre de Minuit et Alphabet sont deux titres qui concrétisent parfaitement l’espoir placé dans la notion d’interactivité d’un nouveau rapport à l’œuvre. L’utilisateur du programme n’est plus un spectateur extérieur (certains diraient passifs). C’est lui qui construit l’œuvre qu’il visionne. Il en est réellement le co-auteur, ou selon une formule reprise par beaucoup de chercheurs, le « spect-acteur ». L’œuvre vue n’est d’ailleurs jamais exactement la même à chaque visionnement puisqu’elle dépend des actions effectuées sur le programme. Ce que renforce d’ailleurs un des principes voulus par l’auteur premier de l’œuvre, à savoir le recours au hasard. Des guides pédagogiques Le multimédia dit « éducatif », mais initialement produit de consommation grand public et donc destiné en priorité à un usage familial, peut-il prétendre entrer à l’école, et pas seulement pour y avoir une place de divertissement et occupationnelle, mais pour y être reconnu dans une fonction pédagogique c’est-à-dire pour contribuer à la réalisation des apprentissages des élèves ? La légitimité d’un tel projet ne va pas de soi. Et n’est certes pas acceptée spontanément par la majorité des enseignants. Il doit donc faire l’objet d’une recherche de fondements. A quoi s’ajoute la nécessité de montrer quelles en sont les conditions de réalisation concrètes. Les guides édités par Dada Media montrent comment un producteur de programmes envisage ces deux directions de son point de vue propre, qui n’est ni celui des chercheurs en pédagogie, ni celui même des enseignants. Certes, un non-enseignant doit, pour être crédible quand il s’adresse aux acteurs de l’école, adopter une posture la plus conforme possible à l’image la plus courante du pédagogue d’aujourd’hui, soucieux à la fois de l’intérêt de l’élève et de l’efficacité des situations d’apprentissage qu’il lui propose. Mais en tant que producteur, il est inévitable qu’il inscrive son intervention dans le cadre du postulat général de l’existence d’une fonction cognitive des programmes multimédia en général, et des siens en particulier. Il ne s’agit donc aucunement de démontrer l’existence d’une telle fonction, ni même de la définir. Pourtant, il n’est pas niable que l’ensemble des propositions pédagogiques que ces guides développent contribue à rendre visible une telle fonction, et même à la rendre crédible. Les éditeurs de produits multimédias essaient le plus souvent de trouver une légitimité institutionnelle à l’utilisation du multimédia en classe dans la conformité de leurs contenus aux programmes officiels de l’Education nationale. Tentative qui n’est pas sans danger, vu le renouvellement relativement rapide des dits programmes. Pour éviter cet écueil, et aussi sans doute pour ne pas se restreindre au seul champ strictement scolaire, les guides proposent un « sommaire thématique » dont les rubriques ne reprennent pas la terminologie des programmes officiels (ceux de 2002 étant actuellement la référence).On y trouve à la fois des disciplines scolaires (géométrie, mathématiques), des domaines d’activité renvoyant aussi prioritairement à l’école (arts plastiques, langage), mais dont on ne peut pas dire qu’ils lui soient exclusifs (univers sonore, ouverture sur le monde, corps et mouvement), et même une rubrique générique (techniques et savoir-faire) un peu fourre-tout qui mélange la « maîtrise du geste », la « manipulation multimédia » et le « travail artistique ». La visée est ici de fournir à l’utilisateur des repères, sous forme de « pistes éducatives », qui ne puissent surtout pas être perçus comme une restriction de son initiative, mais qui orientent son action et sont autant de points de départ possibles pour construire une progression cohérente d’activités inscrites dans la durée. Pas d’objectifs pédagogiques donc - ces guides ne peuvent pas être suspectés de vouloir copier les manuels scolaires - pas de formulation de compétences non plus. Il ne s’agit pas d’initier une didactisation d’œuvres non scolaires. Ce travail, indispensable pour éviter que le multimédia ne devienne un simple moyen d’occuper les enfants, reste à faire pour l’enseignant soucieux d’inscrire le recours à cet outil dans une perspective d’apprentissage. On ne peut cependant guère reprocher à ces guides de ne pas se situer à ce niveau qui requiert une technicité professionnelle peu accessible en dehors de la classe. Jean Pierre CARRIER Mise en ligne le 3 mars 2006
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