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La fond de l’air est rouge - Chris Marker

Ce long film de montage porte sur les mouvements contestataires et révolutionnaires qui ont agité le monde entre 1967 et 1977. Pratiquement tous ont été in fine des échecs. Mais cela veut-il dire qu’ils n’ont eu que peu d’influence sur l’histoire du vingtième siècle ? C’est sur cela que Chris Marker nous invite à réfléchir. Si la Révolution, avec un grand R, reste à faire, est-elle encore d’actualité ? En 1977 la réponse semblait déjà claire. Aujourd’hui qui pourrait affirmer qu’elle n’est pas définitivement négative ?

Utilisant des images d’actualité, le film de Marker ne se veut pourtant pas un travail historique. La marque de l’auteur y est trop visible, ses choix trop orientés. Mais c’est précisément cela qui en fait tout l’intérêt. Cette implication personnelle est manifeste dès les titres donnés aux parties du film : « I Les mains fragiles. 1 du Viêt-Nam à la mort du Che / 2 Mai -68 et tout ça… II Les mains coupées. 3 du printemps de Prague au programme commun / 4 du Chili à…quoi, au fait ? » Aucune prétention à l’exhaustivité dans tout ça. Et ce n’est pas la rareté ou l’abondance de certaines images qui peut expliquer l’insistance sur tel personnage, Castro par exemple, ou l’intérêt porté aux discours de Georges Marchais plutôt qu’à ceux de François Mitterrand.

Mais là où Chris Marker excelle surtout, c’est dans le travail sur les images. Leur variété surtout. Il y a celles qui s’imposent avec évidence, des images de télévision surtout, les manifs de 68 en particulier ou des images officielles comme la commémoration de Persépolis avec la voix de Léon Zitrone ou l’enterrement de Pompidou à Notre Dame. Il y a celles plus surprenantes, oubliées ou jamais vues, des « chutes de reportages », des images clandestines même comme le congrès « fantôme » du parti communiste tchèque. Il y a de véritables séquences d’anthologie, comme ce pilote américain qui, aux commandes de son avion chargé de bombes, s’émerveille de la puissance du napalm qui « fait courir » l’ennemi ! Il y a les images de prédilection de Marker, les escaliers d’Odessa du Cuirassier Potemkine d’Eisenstein qui ouvre le film, le plaçant sous le signe de la répression sanglante, mais aussi sous celui de l’art du montage cinématographique. Devant une telle profusion, il est souvent difficile d’identifier la source de chaque séquence et même de repérer le lieu où se passe telle ou telle scène de rue. Mais ce qui compte, c’est la mémoire collective qui est ainsi construite. Comme le dit très précisément le générique : « les véritables auteurs de ce film sont les innombrables cameramen, preneurs de son, témoins et militants dont le travail s’oppose sans cesse à celui des pouvoirs qui nous voudraient sans mémoire. » Cette modestie du monteur, pourtant véritable auteur du film, se retrouve dans l’utilisation parcimonieuse du commentaire off, contrairement à d’autres films de Marker, Sans Soleil en particulier. Plus rares, ses remarques n’en ont que plus de sens ! Pour le reste, la parole est laissée aux acteurs des événements. Et au spectateur de se forger son interprétation comme il l’entend.

Pistes d’animation.

Ce film se situe dans le domaine politique. Il va sans dire qu’une animation l’utilisant ne peut avoir une visée de recrutement. Par contre, la dimension historique du film permet d’aborder les enjeux politiques actuels en dehors de toute vue partisane.

Débat sur Mai 68.
Certes, le film n’est pas centré sur les événements de mai 68. Ce qui est un élément qui peut être utilisé pour éviter de tomber dans les clichés sur les « soixante-huitards ». La mise en relation du mouvement étudiant français avec ceux des Etats-Unis ou du Mexique permet en outre de le replacer dans son contexte international où domine l’opposition à la guerre du Viêt-Nam. A partir de ces indications issues du film, il est intéressant de faire s’exprimer les jeunes d’aujourd’hui sur leurs représentations et leur connaissance de ce moment de l’histoire contemporaine. Avaient-ils déjà vu les images présentées dans le film (les barricades, les charges de CRS, les gaz lacrymogènes…) En connaissent-ils d’autres ?

Les images médiatiques des hommes politiques.
On dressera la liste des hommes politiques présents dans le film et on proposera un classement. Par exemple, les révolutionnaires (Castro, Guevara, Allende…) opposés aux tenants du pouvoir (Nixon, De Gaulle, Pompidou…)
Il s’agira alors de définir la nature des images nous les montant. Dans quelles situations apparaissent-ils ? Cérémonies officielles, discours ou déclarations publiques, interventions télévisées, interviews de type journalistique, etc. En quoi cela contribue-t-il à forger leur image publique ?
Le cas de Brejnev peut être traité à part et ouvrir une réflexion sur la nature de l’URSS avant la Perestroïka. De même pour le parti Communiste français. En ce qui concerne la politique intérieure française, on comparera les situations montrant Gorges Marchais et François Mitterrand.
Enfin, il est tout aussi intéressant de prendre en compte les « anonymes » qui interviennent dans le film, en particulier les ouvriers. Leur discours est-il au même niveau que celui des hommes politiques ? Leur présence ne donne-t-elle pas un sens particulier au film dans son ensemble ?

Les mouvements révolutionnaires du vingtième siècle dans le monde.
Avant la projection du film, en guise d’introduction, on pourra demander quels sont les événements politiques des années 1967-1977 que l’on connait, en France et dans le monde.
Si peu de choses sont évoquées par les participants, on pourra donner lecture des titres des différentes parties du film en demandant de les commenter même rapidement.
1 du Viêt-Nam à la mort du Che. Qui était le Che ? Quelles images de lui a-t-vu ? Où ?
2 Mai 68 et tout ça ? Comment comprend-on à priori cette dernière formule ?
3 Du printemps de Prague au programme commun. Le nom de Dubcek est-il connu ? Que proposait le programme commun ?
4 Du Chili à…quoi, au fait. Pourquoi le Chili ? Marque-t-il une fin ? Que s’est-il passé après ? Quels événements ont marqué les années 80 ? Et le début du 21° siècle ?
Après la projection du film, en totalité ou en partie, on reprendra les événements qui avaient été cités. Comment le film les éclaire-t-il ? Qu’apprend-on à leur sujet ? Mais on se demandera aussi si les images qui nous ont été proposées leur donne une signification particulière, une coloration qui pousse à les interpréter dans une direction précise ?

Jean-Pierre Carrier

Mise en ligne le 5 août 2008
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