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Cinéma documentaire
Les Plages d’Agnès - Agnès Varda
Retour vers le passé : Agnès Varda se filme marchant à reculons, comme si elle n’avait pas d’avenir, pas de projets, que des souvenirs. On dit que les mourants, à l’instant même de leur mort, revoient clairement le film entier de leur vie. C’est le film de sa vie qu’Agnès fait défiler sur l’écran. Les lieux, les personnes, les films qui ont été sa vie. Une vie riche ; un film riche. Un film plein, chargé de nostalgie et de sérénité. Un film sur la vie mais qui n’ignore pas la mort, celles des êtres ailés trop tôt disparus. Le film d’une vie bien remplie d’une femme d’images, photographe et cinéaste, engagée dans son siècle, le 20°, dont elle a fait siennes les valeurs de contestations, au côté des enfants juifs déportés avec l’aide des gendarmes français, au côté de la révolution cubaine et des Black Panters, au côté des femmes, au côté des femmes manifestant pour obtenir le droit à l’avortement. Une vie engagée aussi dans la création artistique de son siècle, au côté de Jean Vilar et de l’aventure du TNP, en Avignon ou à Chaillot ; pour le cinéma au côté de la Nouvelle Vague, de Jacques Demy bien sûr, mais aussi de Chris Marker. Une vie de femme aussi, tout simplement, amoureuse de son compagnon et de ses enfants. Comment raconter une vie en images ? Ou plus exactement, la question qu’a du se poser Agnès Varda pour faire son film c’est : quelles images me faut-il pour faire le film de ma vie ? La première réponse va de soi : des photos. Les photos de famille précisément, conservées pieusement par chaque membre de la famille et qui permettent de dresser un inventaire iconique complet de toute la famille. Parfois, en arrière plan, on peut voir une fraction de l’espace où elle a été prise. Mais ce décor ne suffit pas à rendre compte des lieux de vie. Agnès ira donc les filmer, tels qu’ils sont aujourd’hui, images du présent mélangées à celles du passé, images du présent pour faire revivre le passé. Car c’est d’abord avec les images que se fait le travail de mémoire. Le commentaire lui n’est pas un récit de vie. Il ponctue plutôt des images, sert de transition entre les lieux ou les épisodes de la vie. Jamais il ne raconte à lui seul, et s’il a souvent une tournure très littéraire, mis bout à bout, il ne constituerait pas un livre. Bien sûr il a quand même aussi parfois une fonction d’explicitation ou de confirmation de ce que les images disent à leur façon, comme à propos du sida de Jacques Demy. Mais les gros plans du visage de ce dernier, lors de sa maladie, sont autrement plus émouvant que le mot. Les images peuvent aussi reconstituer le passé, en prenant appui sur les photos-archives de ce passé, ou sur les images-souvenirs de la mémoire. Le film fonctionne alors sur le principe d’une mise en confrontation du passé et du présent, d’un éclairage du présent par le passé (ce qui est banal) mais aussi du passé par le présent, ce qui est un travail d’une toute autre envergure, celui qui concrétise le film de vie. La mémoire chez Varda ne fonctionne pas sur un mode psychanalytique. Pas de souvenirs-écran, pas de compulsion de répétition ou de paramnésie. Pas de scène primitive non plus. La vie d’Agnès a le sens que lui donne l’organisation des images dans le film. Désormais la vie d’Agnès Varda, photographe, cinéaste, productrice, s’identifie complètement avec Les Plages d’Agnès. Et puis il y a l’œuvre, dans toute sa variété : photographies et films, documentaires et fictions, courts et longs métrages, images traditionnelles en 35 mm ou images numériques filmées avec une minidv, jusqu’aux installations récentes, à Venise ou à la Fondation Cartier. Varda a toujours été une exploratrice des possibilités ouvertes à l’image par les technologiques. Son film de vie mélange toutes ces images, comme il mélange les multiples sources de son passé et de son présent. Les extraits des films de Varda non seulement retracent sa carrière, citations jalonnant un itinéraire artistique, mais constituent en eux-même un nouveau film, l’autobiographie filmique de la cinéaste. Le choix de ces extraits est donc de la plus haute importance. Jamais dus au hasard, ils disent chacun ce qui a été l’origine du film auquel ils appartiennent ; mais en même temps ils en disent la vérité. Exemple type, à propos de Sans Toit ni Loi, le choix des plans où Sandrine Bonnaire-Mona manifeste son refus de la société à grands coups de pied dans les portes et les rideaux de fer. Les Plages d’Agnès sont donc un quasi-commentaire critique de ses films par leur auteur, à la différence près qu’il ne s’agit pas de faire un discours sur, mais de laisser la parole aux images. Si Agnès Varda est la figure la plus marquante aujourd’hui du film autobiographique, elle initie aussi ce qui pourrait devenir un nouveau genre, le film d’étude cinématographique. Les Plages d’Agnès s’ouvre sur le filmage d’une installation originale d’Agnès Varda mettant la mer en miroir sur les plages de la mer du Nord. « Vois-tu la caméra » demande-t-elle aux jeunes gens qui l’ont aidée dans cette entreprise en leur présentant un miroir. Quand ils voient la caméra c’est qu’elle les voit aussi et donc que les spectateurs devant leur écran pourront les voir à leur tour. Ce dispositif justifie pleinement la référence à l’auteur de L’Homme à la caméra faite au début du film. Le ciné-œil de Dziga Vertov trouve là, quelques trois quarts de siècle plus tard, une de ses plus belles réalisations. Jean Pierre CARRIER Mise en ligne le 16 février 2009
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