Les nouveautés se succèdent sur Internet à un rythme toujours aussi rapide. Une des dernières en date, du moins une de celle qui arrive jusqu’aux oreilles d’un assez large public pour sortir de l’ombre, le Webdocumentaire, webdoc de façon plus courante. De quoi s’agit-il ?

D’abord on peut tout simplement comprendre qu’un webdoc est un documentaire diffusé sur Internet. Il ne s’agirait alors de rien d’autre que de l’utilisation d’un canal de diffusion qui s’avère de plus en plus performant, mais sans opérer de modification ou de transformation de la forme de ce qui est diffusé, ni bien sûr de son contenu. Un documentaire déjà diffusé à la télévision, ou même sorti en salle, peut alors trouver un nouveau public sur Internet. La différence avec la Vidéo à la demande (VOD) résidant alors dans le fait que cette nouvelle diffusion est entièrement gratuite. Mais alors, pourquoi parler de nouveauté ? Car de la vidéo, il en existe depuis longtemps sur Internet et si l’on explore méthodiquement Youtube ou Dailymotion, il est clair qu’on y trouvera pas mal de « documentaires ».

Le véritable webdoc ne serait donc pas qu’une simple diffusion d’un documentaire sur Internet. Pour mériter cette appellation, il faut ajouter les modalités propres de l’expression sur Internet, le multimédia et l’interactivité. Et du coup la nouveauté ne peut pas se limiter à la diffusion. Un webdoc n’est pas la reprise d’un documentaire existant. Il est conçu explicitement pour être diffusé sur Internet, ce qui signifie mode spécifique d’écriture et de construction.

Où trouve-t-on ces webdoc qui ne se limitent pas à une simple modalité de diffusion ? Il semble d’ailleurs qu’on ne parle de webdoc que si l’on a affaire à une plate-forme spécifique, entièrement autonome ou faisant partie d’un site traditionnel. En ce sens des chaînes de télévision (Arte, France 5, France 24…) ont été sans doute dans les premières à se lancer dans l’aventure. Suivies de peu par des organes de presse comme Le Monde (ou plus exactement le site web Lemonde.fr). Et la liste sera sans doute vite impossible à établir tant les nouveaux venus sont chaque jour plus nombreux, en provenance d’horizon des plus divers !

Il est sans doute trop tôt pour pouvoir déterminer de manière exhaustive quelles sont les possibilités d’innovation que peut apporter le webdoc. Nous en resterons donc ici à quelques remarques basiques.

Il apparaît en premier lieu que le webdoc, c’est la liberté. Contrairement aux exigences des chaînes de télévision et même des contraintes d’exploitation en salle, le webdoc échappe par définition à tout formatage, notamment en ce qui concerne la durée. D’où en particulier des œuvres qui peuvent être très courtes, dans certains cas autour d’une minute même. Ce qui n’empêche pas les films d’une heure ou deux de trouver également leur place sur la Toile. Corollaire de cette liberté temporelle, la possibilité de proposer des séries, ce qui a souvent l’intérêt de pouvoir traiter successivement plusieurs faces d’une même réalité. Et bien sûr, cette liberté de base se retrouve dans le choix des contenus, le point de vue avec lequel ils sont abordés et les principes de réalisation. Mais à ce niveau, les auteurs de webdoc ne peuvent pas faire comme s’il n’avait jamais existé de film documentaire de création du à un travail d’auteur.

En ce qui concerne maintenant les spécificités d’Internet, multimédia et interactivité, nous n’en sommes sans doute qu’au point de départ des explorations et des découvertes. L’interactivité se concrétise d’abord dans les webdocs, comme dans les blogs, par la possibilité offerte au spectateur de laisser un commentaire. Et bien sûr, tout webdoc qui veut développer son audience se doit d’être présent sur les réseaux sociaux, Facebook et Twitter en particulier.

Mais la véritable interactivité, la seule qui soit créatrice, doit se situer dans les possibilités de navigation offertes au visiteur. Le webdoc ne se regarde plus alors comme un documentaire, parce qu’il ne se présente pas comme un documentaire. Principe de base de l’interactivité mis en jeu depuis quelque temps déjà par les cd-rom, il s’agit d’offrir des choix, à partir d’un menu ou sous forme de liens, bref de présenter les contenus sous forme hypertextuelle. Sur Internet, dira-t-on, c’est la moindre des choses. La fiction s’est déjà frottée à ces nouvelles possibilités, sous forme de récit à choix multiple par exemple, mais il faut le dire, la plupart du temps sans grand succès. Alors le webdoc représente sans doute l’ultime chance pour le cinéma d’exister sur Internet autrement qu’en le considérant comme un vecteur de diffusion supplémentaire.

Quant au multimédia, il prend d’abord la forme de ce qu’on appelle parfois un appareil critique, ou de façon plus banale, de simples compléments au documentaire lui-même. L’enjeu pour le webdoc est ici de se démarquer des bonus des DVD et de ne pas en rester au making off ou autres scènes inédites. L’interview du réalisateur est certes un apport souvent fondamental, à condition du moins qu’il n’en reste pas à faire l’éloge de son travail. La présence d’une galerie d’images doit aussi trouver sa pertinence en dehors d’une simple illustration de lieux ou de personnages. Bef, le webdoc ne peut affirmer sa spécificité que s’il réussit à proposer au spectateur de nouvelles voies de navigation entre les images animées, les images fixes, le son et le texte. L’utilisation de l’écrit en particulier, non pas pour expliquer mais plutôt pour interagir avec les images et les sons est une des voies les plus prometteuses du webdoc.

Où voir des webdocs ? Voici une première liste de sites qui s’affirment comme pionniers en la matière :

http://www.lemonde.fr/webdocumentaires/

http://webdocs.arte.tv/

http://documentaires.france5.fr/

http://www.france24.com/fr/webdocumentaires

et L’interview http://linterview.fr/new-reporter/ L’indispensable « laboratoire du webdocumentaire »

Jean Pierre Carrier