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MY LITTLE PRINCESS Film d’EVA IONESCO
Jean Pierre Carrier

MY LITTLE PRINCESS
Film d’EVA IONESCO

Une petite fille d’une dizaine d’année joue à la marelle et avec ses poupées Barbie qu’elle embrasse affectueusement. Un jeu simple, banal, d’une petite fille normale. Au dernier plan du film, la même petite fille, qui ne ressemble plus vraiment à ce qu’elle était dans l’Incipit, fuit à travers champ pour échapper à sa mère. Entre les deux séquences, toute une enfance s’est déroulée, hors du commun.

Il n’est pas possible à propos du film d’Eva Ionesco d’ignorer sa dimension autobiographique. La cinéaste est la fille d’Irina Ionesco, photographe connue pour son œuvre sulfureuse où l’érotisme domine. Elle a en particulier réalisé une série de photos d’une enfant de quatre ans qui pose nue, dans des poses suggestives, et qui n’est autre que sa propre fille Eva. Cependant, ces données ne peuvent suffire à expliquer le film. Elle n’en constitue pas la vérité. Le film contient des éléments autobiographiques, mais ce n’est pas un film autobiographique. L’autobiographie au cinéma ne peut prendre qu’une forme documentaire. Ici, il pourrait s’agir des souvenirs actuels d’événements du passé. Souvenirs incarnés par des éléments visuels réunis par le cinéaste. Les photos prises par sa mère bien sûr, mais aussi, selon les possibilités, tous documents visuels datant de l’époque où Irina Ionesco s’est fait connaître. Existe-t-il des interviews d’elle ? De personnes qui dans le monde de l’art l’ont alors fréquentée ? Des galeristes, des critiques d’art en particulier ? On pourrait même faire intervenir ceux qui, actuellement, pourraient faire une analyse critique et historique de son travail photographique. Mais aussi, tout ce que, elle qui a vécu ce passé et tente de le mettre en images aujourd’hui, est seule à pouvoir retrouver. L’autobiographie se construirait alors dans un incessant dialogue entre le présent et le passé.
Eva Ionesco n’a pas pris cette direction. C’est son choix. Un choix cinématographique et artistique. Le film est entièrement au présent. Tourné au présent avec des acteurs d’aujourd’hui, il ne reconstruit pas le passé, même si dans une séquence un poste de télé évoquant dans le JT l’arrestation de Baader en Allemagne permet de situer le récit dans le temps. D’ailleurs, les personnages du film ne sont pas Irina et Eva Ionesco, mais Hannah et Violetta. C’est d’elles seules, de ces deux personnages de fiction, qu’il est question.

Peut-on sacrifier l’éducation, et l’équilibre psychique, de son enfant sur l’autel de la création artistique ? La mère de Violeta est représentée comme étant particulièrement égoïste, ne pensant qu’à elle, qu’à sa réussite artistique et aussi sociale, ne pouvant imaginer que sa fille, qui est d’abord tout à fait entrée dans son jeu, puisse s’en détourner, refuse de continuer à satisfaire ses caprices et finisse par la haïr. Et pourtant Hannah ne cesse d crier qu’elle aime sa fille, qu’aucune mère n’a jamais autant qu’elle aimé son enfant. Avec Violetta, nous ne pouvons que finir par douter de cet amour, tant la mère est indifférente à la vie propre de son enfant, à sa scolarité en particulier, tant elle s’entête à ne pas la considérer comme une petite fille. Le film dit avec force que si l’éducation parentale est basée sur l’amour, cela ne signifie pas qu’au nom de l’amour les parents puissent imposer leur propre vision de la vie et du bonheur. Au fond, il constitue une sévère, très juste, critique de la conception de l’éducation qui donne tout pouvoir aux parents, qui ne prend pas en compte la réalité propre de l’enfant, qui ne vise qu’à lui imposer l’image que l’on se fait de lui.

Cette prise de distance par rapport à la folie de la mère vis-à-vis de son enfant ne doit pas, nous semble-t-il, conduire à assimiler cette folie à son activité et son engagement artistique. Ne serait-ce que parce que le film est lui-même une splendide création artistique. Les images de Violetta, lorsqu’elle pose bien sûr, mais plus généralement à chaque moment de sa vie, sont d’une beauté plastique rarement atteinte au cinéma. Bien sûr, le charme particulier de la jeune actrice, capable de mimer avec autant de brio tout aussi bien Marlène Dietrich que King Kong, y est pour beaucoup, mais c’est surtout la qualité du travail du chef opérateur qui est en jeu. Filmer un enfant n’a jamais été facile au cinéma. Eva Ionesco nous montre dans ce premier film, que le cinéma, comme les autres arts sans doute, peut transcender les souffrances de la vie.

Jean Pierre Carrier

Mise en ligne le 21 août 2011
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