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Textes repères
Le multimédia d’accompagnement scolaire
Jean Pierre Carrier
Le multimédia et l’école ? Le multimédia à l’école ? Mais quels sont les rapports que le multimédia peut entretenir avec le monde scolaire. Dans le domaine de l’écrit, le livre est reconnu officiellement, sous la forme du manuel scolaire, comme l’outil pédagogique premier, indispensable, et porteur en lui-même de promesses d’apprentissage. N’ayant pas ce statut, le multimédia entretien avec le monde scolaire des rapports ambigus, marqués par une nécessaire proximité, mais aussi par non moins grande nécessité de démarquage. Proximité dans la mesure où un nombre important de produits multimédia s’inscrivent ouvertement dans le même contexte que le système scolaire, en en reprenant les programmes officiels, en associant à leur conception des enseignants ou des chercheurs en pédagogie, en proposant aussi des activités qui sont d’abord des situations d’apprentissages scolaires. Mais Démarquage aussi, dans la mesure où il s’agit surtout de ne pas se placer ouvertement en situation de concurrence directe avec l’école, de ne pas être perçu comme voulant ou pouvant la remplacer. D’où l’apparition de la notion d’accompagnement, c’est-à-dire d’abord de complément à l’école, proposant aux élèves une nouvelle chance pour apprendre, ou une occasion nouvelle de mieux apprendre. On pourrait voir dans une telle notion la réalisation parfaite d’un « effet Canada dry » : ça a l’aspect de l’école, ça abouti aux mêmes résultats que l’école, mais ce n’est pas l’école. Sous entendu ça n’a pas les aspects négatifs de l’école, l’ennui et la contrainte au premier chef. D’où cette première orientation de réflexion : comment le multimédia éducatif prétend-il réconcilier le plaisir avec le scolaire ? C’est pourquoi le multimédia peut aussi être perçu par les enseignants comme une menace, réactualisant l’ancien sentiment de concurrence qui a toujours marqué le rapport du monde scolaire et du monde des technologies, même lorsque celles-ci se présentaient - c’est encore clairement le cas aujourd’hui - comme se mettant au service de l’enseignement. L’école virtuelle.L’école sur ordinateur est-elle possible ?Comment se présente-t-elle ? 1 Il n’y a pas d’enseignant, 2 Il y a du scolaire : 3 il y a toujours des jeux. Tous ces produits sont construits à partir de deux principes implicites : le côté attrayant des jeux et le respect scrupuleux des programmes officiels. D’un côté, il s’agit d’inscrire le produit dans une logique scolaire, alors que pour les autres il faut autant que possible faire oublier cette dimension, ou du moins la faire passer au second plan, derrière une dimension ludique tout droit inspirée de l’attrait des jeunes pour les jeux vidéo. La conséquence de cette situation est le retour en force dans les cédéroms d’accompagnement scolaire de la vieille pratique de la carotte et du bâton. Il est en effet explicitement dit à l’enfant qu’il ne pourra jouer que s’il travaille d’abord, et que mieux il travaillera plus il aura le droit de jouer. A la première utilisation du programme, un ou deux jeux tout au plus sont accessibles, les autres étant placés en réserve, promesse de récompense des efforts fournis et de la peine prise à l’exécution d’un travail ainsi chargé d’une valeur de sérieux. Dans ce cas, le multimédia joue systématiquement la manière de l’école traditionnelle, en distinguant la classe de la récréation, l’effort du jeu, le travail du divertissement : on fait des exercices et après on peut jouer à une course de voiture. 4 il y a du multimédia : Les jeux ne sont donc pas les seuls moyens utilisés pour attirer les enfants et leur proposer de travailler comme à l’école sans s’en apercevoir. Toutes les collections existantes rivalisent dans la création d’un « environnement » original qui ne ressemble surtout pas aux quatre murs d’une salle de classe. Chambre d’extra-terrestre, laboratoire désordonné d’un savant farfelu ou île fantastique, tout est fait pour surprendre, pour dépayser, loin de l’univers quotidien des écoliers. Les ressources mobilisées remplissent alors deux fonctions. En premier lieu, il s’agit d’humaniser la machine en créant un personnage omniprésent à l’écran pour jouer le rôle d’accompagnateur, guide et conseiller, dans l’accession à la connaissance. Mais en même temps, il est bien tentant de montrer aux enfants ce que les technologies de l’image et du son peuvent faire dans le domaine de la mise en spectacle des connaissances. D’où la présence de ces mini-encyclopédies (la place est quand même limitée), qui traitent à grand renfort d’animations, de simulations, d’images et de vidéos saisissantes des sujets les plus variés censés susciter l’intérêt des familles entières. Peu importe alors que tout cela ne soit pas toujours en accord avec les possibilités réelles de compréhension des enfants. L’important est de séduire. Comme s’il suffisait de donner à voir des connaissances pour que l’enfant construise spontanément son savoir. Avec les produits d’accompagnement scolaires, les enfants peuvent se faire leur propre école à la maison, sur l’ordinateur familial. Les parents, suivant les incitations publicitaires des éditeurs, verront là, à n’en pas douter, un moyen décisif d’assurer la réussite de leurs enfants. Plus de problème de compatibilité d’humeur entre l’élève et le prof. Surtout l’ordinateur lui permet d’aller à son propre rythme, même de travailler uniquement lorsqu’il en a envie. Il pourra revenir en arrière autant de fois qu’il voudra. Et retrouver l’impression de cette liberté que propose la navigation dans les Hypermédia. Dans les meilleurs programmes, ce cheminement aléatoire est cependant limité par l’imposition d’une progression. Pas question de sauter des parties dont les contenus seraient indispensables aux acquisitions ultérieures. Bref, tout est fait pour donner l’impression de liberté, mais les contraintes existent quand même, comprises comme nécessaires à l’efficacité des apprentissages. Seulement, on s’efforce de les masquer et on les passe sous silence, du moins dans les parties destinées aux enfants.. Le multimédia se fait ainsi fort de remplacer les cours particuliers. Il est d’ailleurs tout à fait dans cette logique de voir apparaître sur le marché des « cahiers de vacances » électroniques. Au fond, le multimédia et le scolaire ne font vraiment bon ménage qu’à condition de s’ignorer l’un l’autre. Car, face au déferlement d’animations en tout genre des environnements des produits d’accompagnement scolaire, les exercices et les cours qui constituent le cœur des apprentissages font le plus souvent triste figure. Questions répétitives et généralement fermées, choix de réponse réduits à trois ou quatre, exposés magistraux parfaitement linéaires, tout cela est loin de pouvoir rivaliser avec l’inventivité débridée des jeux d’aventure genre Tomb Raider ou Riven. « La réussite scolaire au bout de l’aventure » promet l’éditeur de TIM 7. Oui, mais à condition que l’ensemble du programme soit fait sérieusement. Pour beaucoup d’élèves, cela risque de rester de l’ordre de la potion amère, même si les bonnes réponses sont toujours accompagnées d’un cadeau, félicitations sonores ou petit gag visuel. Jean Pierre Carrier Mise en ligne le 30 mars 2006
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