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LE BALLON BLANC Film iranien de Jafar Panahi
jean Pierre Carrier

Le premier film du cinéaste iranien Jafar Panahi, Le Ballon Blanc, est un film sur l’enfance. Ou plus exactement, un film sur une enfant, une petite fille d’environ 5-6 ans, Razieh, qui nous est montrée dans ses envies, sa volonté, ses désirs d’indépendance, essentiellement dans sa relation avec les adultes, ses parents bien sûr, mais aussi son grand frère qui joue un rôle déterminant d’interface avec le monde des grandes personnes. Un film d’éducation donc, dans la mesure où l’enfance nous est ici présentée dans sa dimension universelle, bien plus que dans ce qu’elle peut avoir de spécifique dans la société iranienne.

Nous sommes à quelques heurs de la nouvelle année, et la famille de Razieh s’affaire pour que tout soit prêt pour la fête. Le père, que nous ne verrons jamais, prend une douche. Sa présence se réduit aux ordres qu’il donne au sujet du savon. La mère, elle, est particulièrement active, agitée même. Elle donne l’impression d’être en retard, d’être un peu débordée par toutes les tâches qu’elle na à accomplir. Le grand frère est le seul à être calme. Quasi observateur de la vie familiale, il prend une distance, une certaine hauteur même, par rapport aux préoccupation bien terre à terre de sa famille. Surtout celles de sa sœur. Celle-ci en effet ne pense qu’à obtenir de sa mère l’argent nécessaire à l’achat d’un nouveau poisson, qui sera pour elle le signe de joie de la nouvelle année. Il y a bien dans le bassin de la petite cour d’habitation familiale (on ne rentrera jamais dans la maison) des poissons rouges. Mais ils sont si maigres. Razieh en a vu de bien plus beaux chez le marchant du marché, avec plein de nageoires et bien dodus. Razieh essuie refus sur refus, la mère n’a pas d’argent à lui donner pour cette dépense inutile. Mais N. insiste, obstinée, têtue, tant son envie est forte. Elle est prête à utiliser toutes les armes dont elle dispose : plaintes, gémissements, pleurs. Jusqu’à faire un marché avec son frère pour qu’il négocie à sa place avec la mère, certaine que lui a les moyens, surtout parce qu’il est un garçon, de la faire céder.
Cette première partie s’achève donc sur la victoire de Razieh. Elle se retrouve en possession d’un billet 500, somme largement suffisante pour acheter le poisson de ses rêves, mais avec l’exigence de ramener la monnaie. Rayonnante de joie, elle peut partir chez le marchant, un trajet qu’elle croit simple, mais qui se révèlera une aventure bien plus compliquée qu’elle n’aurait pu l’imaginer.

Le film se déroule quasiment en temps réel. Sa durée est celle des péripéties qui émaillent l’aventure de la petite fille. Pas d’ellipses, de retour en arrière ou de scène en parallèle. Lorsque le frère retrouvera Razieh, on peut imaginer qu’il est parti à sa recherche parce que la mère s’est inquiétée de son absence trop longue. Mais le film ne se préoccupe que de cette dernière, parce qu’elle-même ne se préoccupe que d’une seule chose, l’achat du poisson et du billet qui devait lui permettre de le réaliser.

Ce qui devait n’être qu’un simple aller-retour jusqu’au marché va se révéler être une série de mise à l’épreuve de la petite fille, des situations plutôt banales parce que courantes, mais qui nécessite de sa part, à son âge, et surtout parce ce qu’elle est une fille, la mobilisation de toute son énergie et de toute sa volonté. Puisqu’elle était si obstinée pour obtenir de sa mère l’argent nécessaire, à elle maintenant de faire preuve de persévérance pour surmonter les obstacles imprévus qu’elle rencontre. Et surtout pour en tirer les leçon pour l’avenir. Si rien en se passe comme cela aurait du se passer, n’est-ce pas au fond de sa faute. N’aurait-elle pas du ne pas céder à la curiosité et ne pas s’immiscer dans le groupe d’homme rassemble autour du montreur de serpent ? N’aurait-elle pas du être plus attentive à ne pas perdre ce billet qui va être si difficile à retrouver ? Le film nous montre ainsi que le monde est plein de dangers, même s’il se réduit à un trajet bien connu, que les adultes peuvent dresser des pièges aux enfants, que l’insouciance bien compréhensible de l’enfance peut aussi causer des catastrophes. Dans le film cependant, rien ni personne n’est là pour faire la morale à la petite fille, ou au spectateur. C’est la situation elle-même qui, par sa force dramatique, doit être en elle-même « éducative », c’est-à-dire comporter les éléments indispensables à sa compréhension.

Le Ballon blanc est un film résolument optimiste. Certes, la vie présente bien des embuches, qu’il est bien souvent difficile de surmonter. Mais la persévérance dont fait preuve N. nous dit explicitement une chose : la nécessité pour tous de ne pas se résigner, de ne pas céder au fatalisme. Une grande leçon de courage.

Jean Pierre Carrier.

Mise en ligne le 6 novembre 2011
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