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Consommations médiatiques des jeunes, un double enjeu d’éducation et de régulation

Aujourd’hui, à côté de la famille et de l’école, l’espace des médias est un lieu important de socialisation des jeunes. Les pratiques médiatiques constituent la première activité de loisirs des enfants et des jeunes, ce sont des sources de connaissances et de représentations du monde très importantes. C’est un ensemble d’outils d’expression et de communication voire de services pour les enfants et les jeunes. Mais il est fortement devenu un espace de consommation, adossé à des techniques marketings qui font des enfants et des jeunes leur cœur de cible, et qui les voit exposés de plein fouet aux sollicitations du marché.

Ce sont d’immenses machines, puissantes, qui fonctionnent sur la pulsion, loin des finalités cognitives d’un sujet à éduquer, soumises à une inflation publicitaire, à un certain contrôle en temps réel et caractérisées par une traçabilité toujours plus forte des activités des utilisateurs. Cette réalité appelle à une double mobilisation, à la fois sur le plan de la formation des jeunes à travers la mise en place d’une éducation aux médias systématique et permanente, mais aussi à un niveau complémentaire plus global, à travers la définition d’une politique de régulation des médias.
Plus de 25 ans après « Grünwald , », la question de l’éducation aux médias nécessite un élargissement de la réflexion et ne doit pas interroger le seul champ éducatif. Les enjeux sont des enjeux de société, de démocratie, de droit des citoyens.

En préalable, quelques caractéristiques de la consommation médiatique des jeunes

Les pratiques des médias notamment numériques, présentent un certain nombre de caractéristiques qu’il est utile d’appréhender avant de poursuivre toute réflexion sur la consommation médiatique des jeunes. Elles nous sont données par les enquêtes et études diverses à propos des usages, des contenus fréquentés, des temps passés sur ou avec des écrans et des médias, par les jeunes

En voici brièvement les principaux éléments :

- Une vision nécessairement pluri médias, multi-écrans, multi plates-formes.
- Des temps importants et superposés : 4/6 heures ou plus par jour, caractérisés par des pratiques multi plates-formes, les jeunes passant d’un écran à un autre, voire utilisant plusieurs écrans en même temps.
- Des usages et services divers : information, divertissement, création, apprentissages, échanges et communication.
- Des contenus multimédias, multiformes : de l’écrit, des images fixes ou animées, de l’audio, sous forme de récits, de fictions, de jeux dans des univers virtuels, de l’information, du « buz », de la publicité, des contenus multiculturels.
- Des pratiques ambulatoires et nomades avec introduction de l’espace public dans l’espace intime et publicisation de l’espace privatif.
- Un environnement technologique non stabilisé, en perpétuelle évolution technologique, caractérisé par la délinéarisation des grilles de programme, la discrétisation des flux de contenus, l’annotabilité par le biais de tags, la bidirectionnalité qui transforme le destinataire en émetteur.
- Des frontières qui bougent, des « couples bouleversés » l’intime/le public ; la production/la consommation ; le droit/l’éthique ; les amateurs/les professionnels.
- Des usages, des pratiques et des contenus très sexués. (les garçons : les jeux, le téléchargement ; les filles : les photos/le mobile, les médias de la relation, etc.).

Un contexte consumériste sans limites…

Le contexte sociétal, si l’on regarde les objets médiatiques ou numériques, est celui d’une société où les enfants et les jeunes sont assaillis en permanence par toutes sortes de données, d’informations dont ils ne savent pas quoi faire : hiérarchisation, tri, choix, … L’environnement médiatique est fortement marqué par des logiques marchandes, où les liens entre marketing et production des programmes sont de plus en plus étroits, où l’on cherche à « capter du temps de cerveau disponible ». Le marché formé par les enfants et les jeunes entre non seulement dans une logique de type marketing produits mais surtout, apparaît comme un positionnement stratégique pour certaines entreprises médiatiques au regard des retombées d’audience globale et de son poids dans les calculs des ressources publicitaires. La législation européenne renforce cette dimension. Si l’on regarde la dernière directive européenne sur les services des médias audiovisuels à la demande (SMAD)(1) , on constate une libéralisation des formes de publicité à travers par exemple, la fin des quotas de durée et l’arrivée des techniques de placements de produits.

La « logique de caprice » comme nous le dit P. Meirieu, est devenue le moteur de l’organisation économique de nos sociétés, sous le nom de pulsion d’achats. Le désir est transformé en pulsion synonyme d’énergie égoïste. Les messages répétés à l’infini par les médias et repris par la publicité « tes envies sont des ordres… achète… » ; « Je veux tout, tout de suite…. »… L’infantile ainsi est promu comme règle (valeur) de notre société avec en première ligne les médias (2).

De ce fait, la finalité de l’éducation et celle de la sphère médiatique paraissent aujourd’hui développer des projets opposés, voire antagonistes. A l’inverse des médias, l’éducation, a pour projet de sortir l’enfant de cet état infantile de dépendance voire de soumission à la consommation. Les médias mettent en scène la négation de l’altérité, alors que éduquer, c’est accompagner l’enfant pour entrer en dialogue avec cette altérité (l’autre, le monde). L’éducation, c’est le faire passer d’une posture « d’enfant roi » à celle « d’enfant citoyen », c’est la construction du collectif, de la distinction entre savoir et croyance, c’est la mise à distance, alors que les médias accélèrent tout, dans un flux qui submerge la pensée.

Cette omniprésence des écrans pose la question de leur influence. Cette tension entre éducation et consumérisme à laquelle elle conduit, interroge la construction identitaire des enfants. Certes la télévision et les médias numériques peuvent correspondre à des consommations « passion », choisies, mais beaucoup de médias sont utilisés comme « bouche-trou » ou dans une fonction « tapisserie ». Ne doit-on pas réfléchir à une écologie des médias et à une politique de protection de l’environnement médiatique ou à une diététique de la consommation des écrans ?

C’est ainsi dans un cadre large, prenant en compte ce contexte fortement consumériste, que l’éducation aux médias doit réaffirmer son projet. L’éducation à la consommation… médiatique doit trouver sa réponse dans une éducation aux médias mettant en avant émancipation, mise à distance et posture critique.

Une éducation aux médias à dimension critique et citoyenne

Les réponses qu’une éducation aux médias est susceptible d’apporter s’inscrivent dans trois objectifs essentiels :

Politique. Elles participent à une meilleure activation de la diversité culturelle, dont le traité européen vient d’entrer en action. Elles favorisent les « 3C » que sont la Critique, la Culture et la Créativité, permettant aux jeunes de choisir entre plusieurs offres de contenus, nationales, européennes ou non, d’apprécier leur propre culture tout en la comparant à d’autres et de se préparer à être des créateurs de contenus culturels.

Démocratique. Elles promeuvent plus globalement les droits de l’enfant (les « 3P » Participation des jeunes, Proposition de contenus à leur destination, Protection de l’enfance) et développent ainsi, la prise d’autonomie et de responsabilité des jeunes, pour une prise de conscience citoyenne.

Economique. Elles préparent les jeunes à occuper les bassins d’emplois de demain, à se familiariser avec les technologies, à s’ouvrir aux contenus étrangers, à générer des contenus nationaux ; elles permettent l’émergence de sociétés de services liées aux loisirs et au divertissement.

L’éducation aux médias, malgré l’existence de pratiques depuis plusieurs années, est encore trop peu présente massivement dans les politiques éducatives. Pourtant l’évolution et le renforcement de l’environnement médiatique, la rendent aujourd’hui encore plus incontournable. Elle doit être présente aussi bien à l’école, à tout niveau, de manière transversale et spécifique, que dans les espaces d’éducation non formelle que sont les différents temps de loisirs collectifs.

Il est donc essentiel d’en réaffirmer les principes généraux et les objectifs.

• Les médias ne reflètent pas la réalité, ils la représentent. Il faut donc travailler sur ces représentations du réel pour que les enfants accèdent à une meilleure compréhension du monde dans lequel ils vivent et agissent.

• Les images médiatiques ne sont pas naturelles. Il faut les déconstruire et pour cela traiter les questions de production et examiner toutes les techniques qui créent l’effet de réel, pour aller au-delà des premières représentations construites par les médias chez les enfants

• Les médias jouent un rôle culturel et idéologique non négligeable. Il faut développer le sens critique, les attitudes de mise à distance permanente des jeunes sur leurs propres utilisations des médias et des écrans. L’objectif est de leur transférer une autonomie critique tout au long de leur vie en tant que citoyen.

• Les médias agissent sur la construction de l’opinion publique. L’éducation aux médias contribue au développement d’une expression réelle de l’intérêt public. Elle participe d’une éducation à la démocratie.

• La posture de réception pose la question de la lecture des médias. Cette étude textuelle pluri-média doit être systématique dans la formation de tous les enfants et les jeunes.

• Les médias sont un système économique. L’avènement de la société de l’information est le fruit d’une organisation économique libérale. L’éducation aux médias doit intégrer un regard critique sur cette dimension économique et son développement planétaire.

• Les médias sont au cœur de la diversité culturelle à travers leurs contenus, et de respect des droits de l’homme comme espace d’expression démocratique. L’éducation aux médias doit engager un travail sur les contenus et sur l’ensemble de l’offre.

En référence aux valeurs de l’éducation populaire, de ses pédagogies actives et de son projet d’émancipation, les actions mises en œuvre pour cette éducation aux médias, sont caractérisées par quelques partis-pris et une approche globale et diversifiée. On y retrouve de manière transversale, les six compétences aujourd’hui stabilisées au niveau européen : Compréhension, Critique, Créativité, Consommation, Citoyenneté, Communication interculturelle (3).
L’éducation aux médias des enfants et des jeunes concerne tous les éducateurs. Les pratiques des jeunes se faisant souvent à la maison ou dans l’espace familial, les parents le sont ainsi doublement.

L’éducation aux médias au cœur de la parentalité

Mais cette question n’est pas suffisamment mise aujourd’hui dans « l’agenda » des associations de parents. Il faut poursuivre le travail d’information vers les parents à propos des enjeux culturels, éducatifs qui se jouent dans la relation enfants/jeunes et médias et les consommations médiatiques associées.
Les associations de parents doivent reprendre la main dans les débats publics autour des médias. Il est temps de tordre le cou à des fausses affirmations sur l’incompétence des parents face à la culture numérique. Certes les enfants ou les jeunes peuvent paraître plus compétents sur la maîtrise fonctionnelle des interfaces techniques, mais ils ont besoin d’adultes pour leur donner des repères sur les contenus et jouer un rôle de « passeur » intergénérationnel, dans un dialogue permanent. Les parents ont toute cette « autorité » et compétence. Sur ce point il est important de dénoncer les campagnes publicitaires qui présentent les parents ou les grands parents comme incompétents ou qui les infantilisent, face à des enfants tout puissants détenteurs du savoir ou le trouvant en complicité avec le média lui-même.

Cette socialisation inversée (des enfants vers les parents) et le caractère « mouvant » de ces technologies peuvent dérouter les parents. C’est là qu’il faut répondre en termes d’accompagnement et de soutien à la fonction parentale dans les environnements numériques. En engageant un travail d’éducation aux médias avec des parents, nous sommes de fait sur le terrain global de l’accompagnement à la parentalité et de ses problématiques. Les postures parentales de type régulation / intervention ou autonomie / responsabilisation se posent dans la gestion de la relation enfants – écrans, comme dans d’autres situations. Les modèles éducatifs familiaux, faire ensemble, partager ; faire découvrir, inciter ; interdire ne sont pas déconnectés des pratiques médiatiques au sein des familles.

On ne peut mener un projet d’éducation aux médias auprès de parents sans faire appréhender par ces derniers le rôle que joue l’école vis-à-vis des enfants ; les enseignants ont une responsabilité de dialogue avec les parents. C’est une condition nécessaire pour la réussite d’une éducation aux médias des enfants et une mise à distance critique des écrans par ceux-ci.

Ce qui est complexe pour le public des parents, c’est qu’il n’existe pas de dispositifs formels pour des actions de formation. Nous sommes face à un objectif visant à la massification, dans un environnement très informel. Les associations de parents ou familiales sont les points relais et d’appui, ainsi que les lieux ou institutions, associations qui accueillent des parents. Il est nécessaire d’inscrire la formation aux médias dans leur propre projet social.

Mais pour les parents, l’éducation aux médias passe également par l’édition de guides, de supports d’informations, la conception de programmes et d’émissions diffusés à la télévision notamment à des heures de grande écoute. Les campagnes de sensibilisation ne suffisent pas, elles ne seront efficaces que si elles peuvent s’appuyer sur de telles émissions qui vont au fond des choses. Les industries de programmes et les éditeurs de contenus doivent être partie prenante de tels projets. L’intervention d’associations éducatives, dans la conception de dispositifs d’accompagnement (logiciel de contrôle parental, signalétique, chartes…), de protection (vis-à-vis des pratiques à risques) au côté des éditeurs de programmes ou des opérateurs de plateformes médiatiques, est une priorité à rechercher.
Le projet de tout acteur éducatif, est de préparer les enfants et les jeunes à devenir non pas des consommateurs mais des citoyens critiques. Nous avons parlé des acteurs, responsables de sa mise en œuvre, notamment les éducateurs et les parents. Mais le champ de l’éducation (aux médias) est structuré par d’autres acteurs (l’Etat, les entreprises médiatiques, les instances supranationales, les ONG…). Il est donc essentiel de les inclure dans cette réflexion. Nous proposons de définir leur « place » notamment à travers la régulation des médias.

Articuler protection et éducation

L’approche libérale de la consommation (valable donc pour les médias…) met face à face les enfants et les industries médiatiques en disant « le consommateur des médias, c’est lui qui a le pouvoir, c’est lui le décideur, il fait des choix informés ». Ainsi, les médias suscitent sa participation, son choix… Les enfants et les jeunes sont alors considérés comme responsables… et c’est dans ce contexte que donner des capacités, des compétences aux jeunes définirait une éducation aux médias, préparant les jeunes à une bonne utilisation des médias, à être des consommateurs avertis et informés. Les industries des médias en appellent alors, à l’auto-régulation des acteurs, induisant le passage d’une réglementation publique à une réglementation individuelle.
Il y a là une illusion et une contre-vérité.

La contre-vérité, c’est que l’on ne peut ramener l’éducation aux médias au seul objectif de former les enfants et les jeunes aux usages des médias numériques. La finalité de l’éducation aux médias est liée à la construction d’une posture critique et distanciée. Une formation aux usages des TIC n’est pas synonyme d’une formation critique permettant l’exercice de sa citoyenneté par la création, l’expression, la production de contenus numériques, etc.

L’illusion amène à poser la question de comment sont prises en compte, en fonction de l’âge et des expériences sociales, les stades de la construction de la personnalité de l’enfant ou du jeune. Les enfants et les jeunes ne sont-ils pas « vulnérables » ? Et comment laisser peser sur eux cette responsabilité d’arbitrage, de choix – conscient ? Dans le domaine des médias, l’enfant n’a pas le choix, il est souvent captif, il subit des dispositifs commerciaux en permanence, il n’a pas les moyens de résistance contre l’intention de captation de son attention. Rappelons qu’avant 7/8 ans, l’enfant ne discerne pas l’intention d’une publicité et qu’il ne perçoit pas la notion de récit, ni de point de vue.

Dans cette situation, l’éducation aux médias doit intégrer, une dimension supplémentaire de protection, et s’inscrire dans une pédagogie des médias, plus globale. En revanche, il devient nécessaire de changer le rapport à la protection qu’entretiennent les éducateurs, qui souvent considèrent cette dernière comme négative (notamment par rapport à l’idée d’autonomie), et de ne pas opposer protection des enfants (le fait de restreindre) et droit des enfants (le fait de laisser s’exprimer). La citoyenneté c’est à la fois la protection des droits des citoyens les plus fragiles, l’accès à l’expression publique, la prise de conscience des droits qui régissent la communication publique.
Cette revalorisation de la question de la protection passe par une sensibilisation aux enjeux des médias dans la socialisation et la construction de la personnalité des enfants : protéger l’équilibre affectif, la sensibilité, l’ouverture identitaire des enfants… prendre en compte leur âge et leurs différents stades de développement… A ce titre la récente opposition aux chaînes de télévision pour les bébés a été exemplaire (4). Nous ne sommes pas éloignés de l’approche qu’ont eue les institutions dont le projet central est l’enfance (CIDE, ONG éducatives, …) en instituant des espaces séparant le monde de l’enfance (les mineurs) de celui des adultes (protection / travail des enfants ; protection / violences subies, …).

Un projet d’éducation fort est nécessaire, pour les enfants et les jeunes, mais aussi pour les parents, mais l’éducation ne peut tout faire. Il est nécessaire de protéger les enfants et les mineurs (cf. les chaînes visant les bébés, les pratiques à risques sur Internet…, les contenus illicites…) par des postures de régulation. Mais la protection ne peut être efficace sans une éducation, car une approche strictement juridique de la protection s’avèrerait insuffisante (les signalétiques, les logiciels de contrôle parental) en pratique.

L’interdit doit en effet s’inscrire dans un cadre structuré qui aménage l’autonomie de l’enfant, qui porte des repères indispensables à la construction physiologique et identitaire de l’enfant, c’est-à-dire dans un projet éducatif. Seuls les interdits et les règles qui ont ou créent du sens, vont permettre de légitimer l’autorité des parents et des éducateurs. Ces règles, il faut que l’ensemble des acteurs intervenant dans le champ médiatique encourage les enfants à les respecter .
Dans l’éducation aux médias, il faut ainsi introduire la possibilité d’une participation à la régulation. Ceci est d’autant plus incontournable que l’on est souvent face au double jeu de l’industrie des médias qui produit du risque et qui… met en place des outils d’auto-régulation et de protection face à ce risque qu’elle contribue elle-même à générer.
Nous voyons apparaître la nécessaire intervention publique en contrepoids à une auto-régulation par les acteurs économiques eux-mêmes qui ne peut suffire à étayer un projet d’éducation aux médias. Les intérêts des consommateurs, ici des jeunes consommateurs, ne sont en effet pas pris en compte ou quand ils le sont, c’est souvent de manière très sectorielle pour un média particulier, ce qui s’avère donc relativement inefficace. En outre, en ce qui concerne les enjeux liés à leur consommation médiatique, les jeunes se trouvent confrontés à un discours qui les renvoie à leur seule responsabilité en les coupant du reste de la société.

Intégrer une dimension de co-régulation

On peut éduquer, protéger, mais sans poser la responsabilité d’intérêt général des pouvoirs publics et la responsabilité sociale des industriels de la sphère médiatique, il manque un maillon essentiel pour faire « bouger » les lignes. Celui de la régulation. Et au-delà, celui d’une co-régulation : pouvoirs publics, industriels, société civile, introduisant dans cette régulation, les citoyens, à travers leurs associations, des collectifs (5) ou des ONG.

Il est nécessaire de s’engager dans des démarches visant à introduire le pôle des acteurs éducatifs, dans le débat public, sur toutes les questions concernant les jeunes et les médias, à côté des pouvoirs publics, des instances de régulation, des industries de programmes, comme interlocuteurs à part entière, comme forces de propositions… Il s’agit de créer des stratégies multi-acteurs et de faire émerger un pouvoir citoyen concernant le champ de la consommation des médias.

Introduire la problématique de la co-responsabilité des décideurs politiques, des acteurs de l’éducation, des éditeurs et diffuseurs ou opérateurs de programmes, fait partie de la construction de l’éducation à la consommation que nous portons. Les industries de programmes ne peuvent s’extraire de cette co-responsabilité et tout renvoyer à l’école ou à la famille. L’école ne peut tout assumer, un engagement du « politique » doit également l’accompagner dans sa mission d’intérêt général.

Rien ne sert en effet, d’investir dans l’éducation, dans la culture, en appui sur des valeurs de coopération, d’émancipation, de regard critique, de connaissance, si du côté de la sphère médiatique, règne le « laisser faire », qui va dans un sens opposé ou contraire, dominé par de seules logiques commerciales ou de compétition, dans une « culture du marketing » excessive…

Pour un changement d’échelle

Convaincre et mobiliser le monde de l’éducation, de la culture et des médias, est une priorité voire une urgence pour être à la hauteur de l’enjeu culturel, éducatif et citoyen et notamment pour aller vers un changement d’échelle. Si l’on regarde où nous en sommes, plus de 25 ans après les premiers fondements européens de l’éducation aux médias, c’est plutôt un échec… ou pour être plus positif, un chantier à reprendre en permanence… Il y a un décalage entre la prise de conscience de l’enjeu démocratique, culturel et éducatif que représentent l’éducation aux médias, y compris dans certains textes européens, et la réalité de la mise en œuvre de politiques ambitieuses avec les moyens nécessaires ou cohérents, en termes de projet de société. Ainsi, dans le même temps, aujourd’hui l’Europe en appelle à une politique systématique d’éducation aux médias tout au long de la vie, tout en faisant « sauter » un certain nombre de verrous régulateurs au détriment des publics vulnérables, pour soutenir, dans une vision libérale, le développement de l’activité de ses industries médiatiques.
C’est dans ce triangle d’acteurs, société civile citoyenne, pouvoirs publics et industries médiatiques que se jouent à travers la tension entre le tout économique, la culture et l’éducation, des projets de société différents. Le parallèle peut être facile à faire aujourd’hui avec d’autres grands enjeux d’intérêt général, comme celui du développement de nos sociétés face à des ressources planétaires limitées, ou comme celui de la santé… La dimension de la place du citoyen dans une posture de co-décision, de co-élaboration et de co-contrôle, est posée et interpelle tous les acteurs, les chercheurs, les industriels sur un repositionnement du concept et de l’acte même de consommation, en cohérence avec des débats mondiaux cruciaux pour notre avenir collectif.

Christian Gautellier
Directeur du Département "Enfants, écrans, jeunes et médias" des CEMEA, Vice président du CIEME

Notes de lecture

1-Voir directive SMAD, Union européenne, La directive 2007/65/CE du Parlement européen et du Conseil, dite Services de Médias Audiovisuels (SMA), a été adoptée le 11 décembre 2007. La principale évolution induite par le texte concerne l’élargissement du champ d’application de la directive TVSF. Si, jusqu’à présent, cette dernière ne couvrait que les services audiovisuels traditionnels et principalement la radiodiffusion télévisuelle, elle s’applique dorénavant aux services dits non linaires tels que, notamment, les services à la demande. S’agissant de la publicité, la directive SMA introduit une nouvelle terminologie en insérant la définition de la « communication commerciale audiovisuelle ». L’encadrement des communications commerciales a été pensé de façon à ne pas entraver le marché. Voir également les actes à paraître de la Journée d’étude à Louvin-la-Neuve (Belgique) du 11 décembre 2009 sur « La directive SMA : le nouveau cadre juridique de l’audiovisuel européen ».

2-Voir les ouvrages de Meirieu, Pédagogie : le devoir de résister, Paris, ESF éditeur, 2007 (128 pages). Une autre télévision est possible Lyon, Chronique sociale, 2007 (128 pages). L’enfant, l’éducateur et la télécommande, entretiens avec Jacques Liesenborghs, Bruxelles, Labor, 2005 (204 pages).

3-Voir Divina Frau Meigs, « La société civile au Sommet mondial de l’information : vers une militance de catalyse ? » Le Sommet mondial sur la société de l’information, et après ? M. Mathien (ed.), Strasbourg, Presse de l’Université de Strasbourg (2007) et Education aux médias : manuel à l’attention des enseignants, des étudiants, des parents et des professionnels, Paris, Unesco (2007).

4-Voir mobilisation et dossier du CIEME, Collectif inter associatif enfance, médias et éducation. http://www.cemea.asso.fr/multimedia/enfants-medias/spip.php?article483&var_recherche=baby

5- Voir les actions du Cieme, Collectif inter associatif, enfance, médias et éducation.

Cet article est extrait du numéro hors série de la revue Vers l’Education Nouvelle des CEMEA, consacré à l’éducation à la consommation.
""Où va l’éducation à la consommation ?"
, pour le commander.

Mise en ligne le 1er juin 2010
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