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Télévision pour les bébés : un danger pour leur santé, pour leur développement et pour leur éducation

Les Ceméa, à travers le CIEM, alertent les parents et les éducateurs, interpellent les responsables de la protection des mineurs français et européens et demandent aux pouvoirs publics l’interdiction de la commercialisation de chaînes pour bébés. Vous trouverez ci-après les différentes actions prévues par le CIEM. Parmi celles-ci, l’appel à signer la pétition "contre la fabrique des bébé téléphages."

Le contexte

L’émergence de chaînes pour les bébés de moins de 2 ans

Deux chaînes de TV se partagent désormais les bébés en France. Baby tv qui s’adresse aux « tout petits » et Baby first qui cible les enfants de « 6 mois à 3 ans ». Les deux chaînes ont été autorisées par le Royaume Uni (OFCOM, instance de régulation) et n’ont donc pas besoin de passer devant le CSA. Aucune chaîne française n’avait été autorisée jusque là à diffuser en continu, 24 heures sur 24, des programmes visant explicitement les moins de 2 ans.

La nécessité d’une action collective rassemblant tous les acteurs concernés pour faire prévaloir l’intérêt supérieur de l’enfant

La commercialisation de la première chaîne en 2005 puis de la seconde en octobre 2007 a suscité une vive émotion chez les pédopsychiatres comme chez les éducateurs. Le CIEM qui rassemble un grand nombre d’associations impliquées dans l’éducation des jeunes et l’accompagnement des familles souhaite dégager une synergie entre tous les acteurs responsables afin d’aboutir à une situation conforme à l’intérêt de l’enfant et au principe de précaution. Le combat sera long et difficile, comme chaque fois qu’il s’agit de limiter la liberté d’acteurs économiques. Le CIEM souhaite soulever, dans une perspective constructive et dynamique, toutes les dimensions du problème que de telles chaînes posent à la société dans son ensemble : la dimension psycho affective, éducative, économique et juridique.

Les problèmes posés par ces chaînes

1. Le problème psycho affectif

1.1 - Les valeurs à défendre : le caractère vital de la motricité et de l’affection portée à l’enfant

Il est établi par les approches psychologiques, psychanalytiques et par l’approche cognitive que le développement du bébé passe par le développement de sa motricité dans un environnement affectif qui permet la mise en place d’un attachement. C’est la motricité et la manipulation d’objets réels qui favorisent le développement intellectuel du bébé, l’affection qui permet l’émotion, la mémoire, la capacité de supporter la séparation, qui stimule notamment l’envie de vivre et l’amour du corps si important pour le développement équilibré de l’enfant.

1.2 - Les dangers de ces chaînes

La diffusion en continu de programmes destinés aux bébés peut engendrer quatre types de risques pour leur développement :
- création d’une dépendance vis-à-vis de l’objet télévisuel,
- frein au développement intellectuel et émotionnel du bébé,
- isolement affectif et refus de s’engager dans la vie,
- dysfonctionnements langagiers,
- troubles de la concentration.

2. Un problème éducatif

2.1 - Les valeurs à défendre : un environnement culturel diversifié respectueux de l’âge de l’enfant et passant par des contacts humains

Respecter le rythme du développement de l’enfant, c’est d’abord tenir compte du fait que le bébé n’est simplement pas mûr pour comprendre les images qui lui sont proposées. Il n’a donc pas besoin d’images animées.
La France propose des systèmes de garde diversifiés pour les bébés : crèches, assistantes maternelles, puis dès deux ans, la possibilité d’aller à l’école maternelle. Les parents peuvent ainsi être accompagnés dans l’éducation des enfants, ce n’est pas le cas de tous les pays.
Dans le domaine des médias, la France a un secteur de l’édition jeunesse et de l’animation audiovisuelle de qualité. Mais pour y avoir accès l’enfant a besoin à cet âge d’un accompagnement personnalisé.

2.2 - Les dangers éducatifs liés à l’utilisation de ces chaînes

- La diffusion de programmes en continu peut représenter très vite un risque de fatigue nerveuse excessive pour un bébé.
- Le fait d’accoutumer des parents à placer dès leur plus jeune âge leur bébé face à la télévision participe d’un mode de socialisation inapproprié qui fait des médias un élément crucial de leur éducation alors que l’enfant n’est pas en âge de comprendre les médias animés.
- L’écoute accompagnée risque d’être un leurre. Ces chaînes encouragent le visionnage de leurs programmes avec les parents, alors qu’elles répondent surtout à une demande d’aide à l’endormissement et à la tranquillité. D’ailleurs du fait de leur lenteur, ces programmes sont difficiles à suivre par des adultes.
- Un formatage des goûts sans respect de la diversité culturelle ni de la transmission d’une culture d’origine : ces chaînes diffusent des programmes essentiellement d’origine anglo-saxonne (et américaine) et n’ont aucun quota français. Cela est particulièrement choquant dans un pays qui s’est battu pour maintenir une diversité culturelle.

3. Un problème économique : le bébé au centre d’une logique de séduction commerciale à l’égard des familles

La plupart des chaînes de télévision sont financées par la publicité. Ces chaînes ont déclaré avoir renoncé à la publicité, mais constituent des produits d’appel pour des bouquets de chaînes payantes. Le lancement de ces chaînes correspond donc à une opération de fidélisation des familles par l’offre de bouquets de chaînes ciblant chaque tranche d’âge, opération très utile pour des chaînes qui vivent essentiellement du volume de leurs abonnements. Avant même de savoir parler, l’enfant est donc constitué comme cœur de cible. Il le sera aussi pour leurs produits dérivés.

Ces chaînes s’inscrivent dans des logiques de groupe. Baby First est détenu par trois investisseurs Regency Enterprises, Kardan N.V, Bellco Capital. Regency enterprises a des activités liées au cinéma et à l’audiovisuel. Elle est détenue à 20 % par News Corporation de R. Murdoch. Baby TV a été rachetée par Fox international Television, qui appartient aussi au groupe News Corporation.

Il y a de nombreuses raisons économiques pour que des groupes industriels s’intéressent aux enfants dès leur plus jeune âge. On observe récemment un relatif désengagement des préadolescents, attirés par Internet, vis-à-vis de la télévision. Le lancement de chaînes bébés pourrait être une « attaque » marketing de cibles plus jeunes afin de mieux les fidéliser à l’outil télévisuel. Même si elles ne diffusent pas de publicité, le fait d’habituer les bébés à regarder très tôt la télévision peut aussi faire d’eux des téléspectateurs particulièrement dociles pour les messages qu’ils regarderont par la suite. De plus, en l’absence d’une convention passée avec le CSA, l’absence de publicité ne constitue pas un engagement durable.

4. Un problème juridique : la commercialisation de ces chaînes porte atteinte à la protection des mineurs et au principe de précaution

Ces chaînes ne se contentent pas de diffuser des programmes en continu pour les bébés. Loin des précautions élémentaires préconisées par la plupart des pédopsychiatres, leur commercialisation s’appuie sur un discours qui valorise l’usage de la télévision par les parents auprès des tout-petits. Baby TV se présente comme un moyen de développer « l’éveil » du bébé, Baby first comme une stimulation qui aide le bébé à « mieux se structurer mentalement » et notamment à « « muscler » sa mémoire » . Ces discours risquent d’induire en erreur de nombreux parents et de les encourager à des comportements qui mettent en danger le développement des enfants. Les affirmations de ces chaînes ne s’appuient sur aucune étude sérieuse.

Laisser faire la commercialisation de ces chaînes porte atteinte à plusieurs principes fondamentaux :
- le respect du développement de l’enfant, principe consacré par la Convention internationale des droits de l’enfant ;
- la protection des mineurs dans les médias, principe reconnu par la Directive européenne Télévision sans frontières, confié en France au Conseil supérieur de l’audiovisuel ;
- le principe de précaution, principe reconnu tant au niveau européen que français comme devant guider l’action des pouvoirs publics en matière d’environnement comme de santé publique.

Les actions du CIEM

Suite au constat des risques que la diffusion de ces chaînes fait courir aux bébés et très jeunes enfants, le CIEM a décidé de s’engager dans une panoplie d’actions complémentaires afin de mobiliser à la fois l’opinion publique et les autorités françaises et européennes.

1. Mobiliser l’opinion publique autour de l’appel des pédopsychiatres français pour stopper la commercialisation de ces chaînes.
Le CIEM incite les adhérents des associations qui le constituent à signer massivement cet appel : « Un moratoire contre la fabrique des bébés téléphages ! » sur le site http://squiggle.be/appel/?petition=2
Le CIEM encourage également les abonnés aux bouquets Famille qui proposent ces chaînes à bloquer l’accès à ces chaînes.

2. Saisir les autorités françaises responsables de l’éducation, de la santé et de la protection des mineurs dans les médias :

a) Prise de contact avec la Défenseure des enfants pour envisager une action commune.
b) Le CIEM saisit le CSA pour demander que l’instance de régulation fasse respecter par les opérateurs câble et satellite français l’article 22 de la directive Télévisions sans frontière qui interdit la diffusion de programmes susceptibles de nuire gravement à l’épanouissement physique mental ou moral des mineurs et prenne contact avec les autorités européennes concernées afin que ne soient pas autorisées à diffuser vers la France des chaînes commercialisées en direction des moins de 2 ans. La directive TVSF prévoit en effet que la protection des mineurs reste un des rares motifs qui peuvent justifier une restriction nationale à la liberté de diffusion même pour une chaîne qui dispose d’une autorisation dans un autre pays de l’Union .
c) Le CIEM saisit le ministère de la Santé afin d’établir une réglementation en ce sens.
d) Le CIEM saisit le ministère de l’Education nationale dans le même sens.
e) Le CIEM saisit les commissions culture et santé des assemblées parlementaires.

3. Saisir les autorités européennes responsables de l’éducation, de la santé et de la protection des mineurs dans les médias :

f) Le CIEM saisit la division audiovisuelle de la Commission européenne.
g) Le CIEM saisit la division des Droits de l’homme du Conseil de l’Europe.
h) Dans le cas d’un refus d’action des instances françaises et européennes, le CIEM serait dans l’obligation d’intenter une action à l’encontre des autorités françaises compétentes devant les juridictions françaises et européennes pour non protection des droits de l’enfant.

Pour approfondir

Téléchargez ci-dessous les 4 annexes à ce dossier qui permettent d’approfondir les enjeux soulevés par les chaînes bébés ou de donner des références scientifiques aux risques énoncés.

- Annexe 1 : Les enjeux psycho-affectifs (fichier pdf - 60 ko)

- Annexe 2 : Les enjeux éducatifs (fichier pdf - 40 ko)

- Annexe 3 : Les enjeux économiques (fichier pdf - 30 ko)

- Annexe 4 : Les enjeux juridiques (fichier pdf - 45 ko)

Réaction

Téléchargez ci-dessous un texte de Philippe Meirieu, universitaire et responsable pédagogique de Cap Canal, en réaction à l’apparition des chaînes de télévision pour bébés.

- Alertez les bébés... par Philippe Meirieu

Contacts :

Sophie Jehel, sjehel@club.fr (0612556382)
Christian Gautellier, christian.gautellier@wanadoo.fr (0689861118)

Mise en ligne le 15 novembre 2007
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