Retour à l'accueil |
Dossiers pédagogiques >>
Films d’EDUCATION
Critique du film "L’Âge adulte", réalisé par Ève Duchemin
Ce film a été sélectionné lors de la 8ème édition du Festival du film d’éducation... Romain Ramon nous livre son regard sur ce film...
Un mois, jour pour jour, que j’ai atteint ce que l’on appelle communément « Le Bel Âge ». Je ne suis pas certain qu’il le soit autant que nos vertes années insouciantes. Une bougie en plus sur le gâteau pour me rappeler que le temps passe aussi vite qu’une flamme s’éteint quand on la souffle. « C’est facile d’avoir vingt ans ! Voyez ! Je vais les avoir et j’ai rien fait pour ça ! » disait Marcel Pagnol. Sabrina aussi ne les a pas vu venir, ses vingt piges. Elle qui, à ses quinze ans, voulait tant « devenir adulte ». La force de ce film réside justement là : Dans le lien tissé entre ses deux femmes. Le réel intérêt qu’Ève Duchemin porte à son sujet transperce l’écran. Cette relation de confiance lui permet de la questionner sans interdits et de recueillir des propos authentiques, dénués de toute arrière pensée. Parfois crus, toujours bruts, les déclarations de Sabrina nous en disent bien long sur la hauteur des épreuves endurées qu’elle affronte toujours aujourd’hui. Des mésaventures qui laissent des traces. Le terme est bien choisi à en voir ses bras scarifiés et jambes tailladées. Ses cicatrices qu’elle s’infligea plus jeune et dont elle est fière, exutoires amers gravés à même la peau. Un corps à l’image de l’esprit, lacéré de toute part. Les raisons de son mal-être : Une réalité difficile où elle doit tenir la tête hors de l’eau, emportée dans les vagues des factures à payer. Pour subvenir à ses besoins, elle enchaîne les petits boulots non qualifiés. Serveuse et femme de ménage le jour, Strip-teaseuse la nuit au Boudoir, un club sur le Vieux Port de Marseille. En parallèle, elle reprend l’école et révise chez elle pour tenter de réussir le concours d’aide soignante. Mais elle a perdu le goût de la lecture depuis la troisième, classe où elle quitta le cursus scolaire. Elle a oublié « à quel point c’était chiant ». Pourtant, elle s’entête, voulant se trouver un but vers lequel tendre et ne plus nager en eaux troubles, sans la lumière d’un phare pour la guider.
L’Âge adulte dresse un portrait sans concession d’une jeunesse perdue dont Sabrina est une parfaite ambassadrice, égarée elle même dans ses nombreux paradoxes : Les dizaines de peluches colorées qu’elle affectionne tant, venant hanter sa chambre sans meubles d’un blanc immaculé, symboles d’une jeunesse qu’elle regrette qui tranche avec son envie de grandir. Son souhait d’enlever par laser une tache de naissance quasi invisible qu’elle arbore au front alors que son corps entier est parsemé de balafres qu’elle tient à garder. Ses discours imparables quant au fait qu’elle supporte sans peine son boulot et les verres d’alcool qu’elle s’enfile avant de monter sur scène se balancer le long de la barre. Ses acrobaties sensuelles sur la pool bar et son visage de poupée. J’en passe. Malgré toutes ces noirceurs, on perçoit toutefois dans le documentaire des zones de lumière. La plus évidente étant D’un point de vue plus technique, l’une des forces du film se trouve dans ses quelques plans séquences, au cadre rapproché et immobile. La réalisatrice laisse le temps à son sujet de s’exprimer, ses silences ne sont pas coupés et en disent des fois bien plus que de longs discours. L’oeil de la caméra est au plus près de Sabrina, Ève Duchemin ne zoome pas sur son sujet, mais elle s’en rapproche. En découle une réelle justesse. Pas de musique d’accompagnement mais le fond sonore intra-diégétique, entre le bruit lourd des rythmes lascifs joués dans le stip-club au silence des hésitations et pensées de l’héroïne. Au fil des minutes, on s’attache pour cette sale gosse qu’on aimerait saisir dans ses bras puis pousser de l’avant. Ève Duchemin réussit une nouvelle fois son coup en nouant un fil entre son héroïne et les spectateurs, comme avec Colin, dans Avant que les murs tombent, son ancien court-métrage. Quant à moi, je quitte la salle avec en mémoire les plans de cette jeune femme aux traits de gamine, assise dans le train qui la mène d’un âge à l’autre. (De sa boite de strip où talons hauts et sous-vêtements aguicheurs sont rois, à sa chambre où règnent peluches et posters de dessins animés.) Elle regarde à travers la vitre, le regard vide. Ces images me parlent, habitué des wagons miteux aux banquettes déchiquetées, je passe mes trajets les yeux rivés sur les paysages qui défilent à une allure folle. Aussi rapidement que file ma jeunesse. « Vingt ans, le plus bel âge. » Et qu’advient-il après ? Romain Ramón, Ceméa NPDC Lire la chronique du festival par Romain Ramon Mise en ligne le 5 février 2013
|
RECHERCHE
>> Faire une recherche Qwant
EVENEMENT
11 décembre 2018
12 décembre 2018
24 janvier 2019
DERNIERS ARTICLES
15 décembre 2021
23 décembre 2020
11 décembre 2020
11 décembre 2020
27 novembre 2020
17 septembre 2020
30 juin 2020
24 avril 2020
20 avril 2020
23 mars 2020
22 novembre 2019
31 octobre 2019
9 septembre 2019
27 juin 2019
18 juin 2019
12 mai 2019
26 avril 2019
5 avril 2019
27 mars 2019
27 février 2019
25 février 2019
18 février 2019
|