Avant-propos de la revue "Vers l’Éducation Nouvelle, n° 521"
Le projet associatif 2006-2009 des Ceméa inscrit dans ses priorités la question des services et des biens publics, particulièrement d’actualité ces dernières semaines, concernant les médias. Au-delà d’enjeux sociétaux importants, elle nous renvoie aux propositions de contribution d’un mouvement d’éducation à transformer cette société de l’information, dans un sens plus démocratique.
Sur le plan français, France 3 vient de décider d’arrêter Mon Kanar, seul journal télévisuel expliquant l’actualité aux enfants. Pour des raisons d’audience... Mais surtout car mal placé dans une grille qui n’en fait pas un objet prioritaire et par le programme en décalage avec les rythmes de vie et les disponibilités des enfants, voire de leurs parents qui pourraient regarder avec eux ce JT. On est en droit d’attendre qu’une chaîne de service public à la vue de son cahier des charges, propose et anime une telle émission. Il est de notre responsabilité de la soutenir par un travail d’accompagnement des enfants à cette éducation critique à l’actualité dans les centres de loisirs, à l’école, dans les centres de vacances.
Du côté européen, c’est la volonté, à travers le projet de renégociation de la directive « télévision sans frontières » de minimiser le rôle de régulation de l’Etat vis-à-vis des nouveaux contenus « non linéaires ». En matière de communication commerciale, on nous prépare la levée des limites quotidiennes de publicité sur les écrans de télé. La règle va être : douze minutes de pub séparées par vingt minutes de programme. Ceci pose le devenir des chaînes publiques. Une éducation à la consommation ne suffira pas face au déferlement des messages de la société marchande que subissent déjà les enfants chaque jour. Dans les collectifs où agissent les Ceméa, il est temps de faire de la lutte contre la commercialisation des écrans une urgence éducative.
A l’échelle mondiale, c’est l’abandon de la gestion des droits d’auteurs à des outils privés (Microsoft, Real Média) qui apparaît derrière le projet Droits d’auteur et droits voisins dans la société de l’information et la mise en place des Digital right management. En obligeant les usagers à n’utiliser que des technologies propriétaires (celles des grands opérateurs industriels), ce projet fait la part belle à un renforcement de la marchandisation des biens culturels. Ceci remet en cause le droit de copie privée, menace les logiciels libres et coopératifs, ignore la place des bibliothèques publiques dans leur mission de transmettre les savoirs et toute exception pédagogique. Notre rôle d’association d’éducation populaire est de mobiliser les acteurs, en les accompagnant dans la maîtrise citoyenne des enjeux de la société de l’information, à travers leur formation.
Un triple défi pour tous les acteurs de l’éducation et de la culture, que nous nous devons de relever.